Aller au parc... Pour la première fois

On est passés devant 100 fois, on ne s'est jamais arrêtés.
Jusqu'à aujourd'hui !

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Matinée ? Sans sieste. Déjeuner ? À part le yaourt, il a mangé trois cuillères de sa purée, l'a dégagée comme une malpropre, et n'a dormi qu'une toute petite heure après ça.

14h30.
Nouvelle tentative de coucher. Il chantonne dans son lit, se tourne, se lève, jette sa tétine. Bref il ne dort pas et ne semble pas en avoir l'intention. Du tout.

14h40.
Je le reprends. Devant son total désintérêt face à ses jouets, mes pitreries, son lit, ses peluches et même les télécommandes, je prends une grande décision: on bouge d'ici, et vite !

14h45
Le manteau c'est bon, les chaussures c'est bon, la poussette c'est bon. Et il est même déjà attaché. Nickel. Sauf que j'habite au deuxième sans ascenseur, et qu'il est déjà tout prêt. Je n'ai pas le coeur de le détacher et replier la nouvelle poussette canne, je le descends à bout de bras. Dans l'escalier, je sens toutes les terminaisons nerveuses de mon visage se crisper en même temps et mes bras gonfler comme Popeye après une boulimie d'épinards. Il me regarde, effrayé. Je lui souris. Comme je peux.

15h00
L'air est frais et doux, la poussette, un bolide, trop facile à manier, on passe au supermarché du coin acheter des compotes toutes faites, de préférence les pomme-poire-mandarine qu'il adore, en espérant qu'il mangera mieux qu'à midi. Au passage, on achète Barnabé le camion pompier, parce que j'ai peur qu'il s'ennuie dans les rayons pendant que je me cherche une nouvelle crème hydratante, et puis que j'adoooore lui faire des cadeaux.

15h05
Une vieille dame passe et dit qu'il est quand même drôlement gâté ce bébé, avec son petit Barnabé dans les mains. Merci, madame, j'adore quand des inconnus interviennent dans ma vie. Voulez-vous valider mon choix de crème hydratante aussi ? Elle ajoute qu'il est super mignon. Bon.

15h20
Arrivée au parc. Plein de gamins qui courent partout autour du faux bateau-toboggan-camp d'escalade. Deux pères sur un banc. En face, une femme enceinte. Et à côté, une poussette avec dedans une petite puce aux yeux bleu glace. On s'installe timidement sur le banc de la petite fille. Les feux de l'amour peuvent commencer. Aaron jusque là plutôt chafouin s'est redressé et regarde tout autour de lui. La femme enceinte fait des mots fléchés et son fils lui réclame à manger.

15h25
Entre deux cuillères de semoule au lait, on fait coucou à la petite fille. Elle ne dit rien (pas très sympa, d'ailleurs) mais Aaron est sous le charme. Il la regarde, me fixe, comme pour m'envoyer en mission, et quand je fais coucou à la petite, il sourit, ravi.

15h30
La semoule au lait est finie, on attaque la compote. Mauvaise nouvelle, la petite est repartie avec sa maman. On ne peut plus compter sur personne.

15h35
Arrivée d'une blondinette. Aaron n'a d'yeux que pour elle, et semble impressionnée par sa dextérité. En réalité elle titube comme un mec bourré en sortie de boîte, mais elle le fait, il faut dire, à une vitesse surprenante et sans tomber. Le fils de la femme enceinte réclame encore à manger. C'est un ventre sur pattes ce gamin. Je retire ce que je viens de dire, Aaron attaque sa deuxième compote.

15h45
Une guêpe nous attaque. En tant que phobique des insectes (tous les insectes, même les mouches), je suis tétanisée. Mais c'est mon fils. Je dois le sauver. Avec l'aide de Barnabé le camion pompier, je la fais fuir, à grands coups d'emballage cartonné. Pour la dignité, on repassera.

15h50
Allez, je me lance, je fais glisser Aaron sur le toboggan. Pour la première fois.
Aucune réaction.
Tout ce qui l'intéresse, c'est de faire coucou à la petite Laura, qui elle ne comprend pas trop pourquoi. Je retente ma chance dans le toboggan en ajoutant le célèbre "whoooooo!" lors de la descente. Toujours rien. Je suis aussi déçue que les nanas qui ont tenté d'acheter du Balmain x H&M cette semaine.

16h00
On s'est rassis sur le banc, il fait bon, Aaron est calme, on profite. On regarde tout. Comme deux fouines. Une fille joue à chat avec son petit frère et l'embrasse comme du bon pain quand elle l'attrape. La femme enceinte fait ses mots fléchés et explique à son fils, toujours affamé, qu'il jouera bientôt comme ça avec sa petite soeur. Je dégaine mon portable pour immortaliser Aaron devant ce joli spectacle, et alors que je me contorsionne pour tenter de le prendre sans le perturber, une voix féminine me lance "Vous voulez que je vous prenne en photo ?". La honte. J'accepte.
"Stockage saturé". Maudit Iphone.

16h10
Oui, c'est mon premier... Ah vous aussi vous étiez comme ça avant ? 100 photos par jour... Il a quel âge votre fils? Bientôt trois ans.. ça passe vite... Hein, comment ? Il s'appelle Aaron... Merci, c'est gentil... Il se porte bien, oui...Non je ne l'allaite pas, il a toujours été assez, euh, costaud... A la naissance ? 4,1kg... 3,2kg le vôtre, ah... ça se voit moins quand il est malade, oui c'est vrai... Il a de la marge... je n'y avais jamais pensé avant, vous avez raison. Un pain au chocolat ? Non merci, il n'en mange pas encore. Mais merci, et merci encore pour la photo. 

16h15
Il regarde la maman, bat des cils et sourit en se blottissant contre moi, genre "je suis super charmeur, mais timide aussi". Elle craque et me congratule sur ses yeux. Quand j'y pense, il est quand même tombé amoureux trois fois aujourd'hui. On est pas dans la merde.
Le soleil commence à se coucher gentiment. Aaron fait danser une feuille dans ses mains.
On repart tous les deux, avec notre reste de compote et Barnabé en bruit de fond.
Je crois qu'on risque de revenir ici. Souvent.










© Ourson Chéri



Commentaires

Unknown a dit…
Trop beauuu le petit coquin!!!