Le jour où mon fils n'a plus voulu manger

Mon fils ne mange plus chez moi.

Chez la nourrice, il mange, dévore, engloutit. En relais aussi. Il prend la purée, le yaourt, la compote. Chez nous, on négocie chaque bouchée, midi et soir, et c'est moi qui finit les compotes presque pleines qu'il n'a même pas voulu entamer. Il repousse avec un air dégoûté, on insiste, "mais prends, au moins une bouchée!", il réponds "nnnn", sa version du non.

Ca a commencé, quelques soirs d'affilée, juste pour le dîner. Le week end venu, le déjeuner aussi. On s'est énervés, on l'a mis à la sieste le ventre vide, on est sortis de sa chambre la mort dans l'âme en se demandant quels horribles parents on pouvait bien être pour le coucher affamé.
Oui mais il ne va quand même pas manger que des gâteaux et des yaourts, il ne peut pas tout choisir, c'est à nous d'être ferme.
Et de regarder dans le vide, seuls avec le silence, en se demandant si on a bien fait. Le temps d'une sieste, on a fait des recherches sur internet,  lu une vague histoire d'opposition, compris qu'il fallait feindre l'indifférence, ne pas dramatiser, laisser venir, faire comme si de rien n'était. A l'heure du goûter, et puis au bout de trois hochements de tête négatifs de sa part, on a craqué, à nouveau, on l'a grondé, on lui a demandé pourquoi il faisait ça, pourquoi seulement à la maison, pourquoi pas chez les autres, allez, tiens, pas de compote, t'as gagné, voilà ton yaourt, on verra bien ce soir, si ça va mieux. On est même restés quelques instants fâchés contre lui. Il nous tendait un livre ou nous montrait quelque chose du doigt, mais on n'avait plus le même entousiasme. On a fait la gueule à notre propre bébé. Et on s'est sentis drôlement cons, quelques temps après.
Ces faces à faces armés d'une cuillère sont devenus une angoisse.
Plus on devait rester stoïques et calmes, plus on s'est énervés.
Jusqu'à ce qu'on trouve une solution miracle, qui fait ses preuves, 3 fois sur 4.
Manger avec lui, à table.
Oublier les purées ultra moulinées "parce que sinon il a des hauts-le-coeur".
Non, lui donner en morceaux, direct, comme à nous, comme un grand. Une assiette, des couverts, un torchon sur les genoux et le laisser faire.
Le servir, depuis le plat qui trône au centre de la table, pour qu'il voit bien qu'on mange tous pareil et en même temps. Comme une famille.
Il a recommencé à manger, il me laisse même l'aider parfois, sans broncher. Certains soirs passent mieux que d'autres. Certains aliments sont rejetés, d'autres dévorés, question de goûts ou de caprice, on n'en sait rien, mais on le prend bien. On s'est habitués à cette phase, on a appris à relâcher. Il ne se laissera pas mourir de faim. Parfois il ne veut pas, tant pis, on rallonge un peu le biberon. Parfois il finit jusqu'au dernier petit pois, et on savoure avec lui.
Cette expérience nous a au moins rappelé que le repas, c'est notre moment. Le seul après nos journées de travail ou de nounou. Le seul avant le week-end. Le seul avant d'aller se coucher. Elle nous a re-appris la convivialité, ce plaisir de partager le dîner à trois, sans télé, sans portable, sans autre distraction que celles de l'admirer quand il amène la cuillère à sa bouche sans rien faire tomber.
D'ailleurs, on y pense. C'est peut-être juste ça, qu'il voulait.
Des repas en famille. Pas des missions, comme on faisait, quand on le posait dans sa chaise entre le moment où on lance une machine et celui où on s'affale devant la télé, et qu'on lui donnait sa purée en attendant qu'il finisse chaque bouchée pour lui en donner une autre, à la chaîne, vite. Comme une tâche. Sans prendre le temps, sans plaisir.
Merci la leçon de vie. Maintenant, on dîne tous les soirs en famille.
A l'heure des poules... mais ensemble.



© Ourson Chéri



Commentaires

Erika a dit…
J'adore ce poste! ! C'est pareil pour nous elle adore ça se servir toute seule et tout ce qui va avec...depuis on mange à 19h et defois même un peu avant 😉. Mais quel bon moment
Marion a dit…
Je nous reconnais parfaitement dans l'article. On a rencontré exactement le même "problème", du jour au lendemain. Plus de purées, plus rien de ce qu'il dévorait. Travaillant à domicile, nous avons réagit de suite en le mettant à table avec nous le midi, et il a goûté, dégusté et dévoré ses repas. Il voulait du partage, de la convivialité et manger comme nous! A bientôt 28 mois, voilà presque 1 an que nous partageons nos repas tous les 3!
Owie a dit…
À coup sûr c'était ça qu'il voulait ! Le mien à 13 mois m'a fait comprendre que les purées c'était fini, compotes idem. Depuis ce jour il mange à table avec nous et comme nous, sans aucune aide. Plats, crudités, yaourts, fruits frais...Quand il n'arrive pas à gérer avec la fourchette il y va avec les mains :)
Du coup quand exceptionnellement on ne mange pas avec lui, il mange nettement moins, idem quand on dîne chez des amis et qu'il y a des petits copains..!
Bouddha a dit…
Pareil ici le dîner est tres tôt mais ca laisse du temps pour jouer, rigoler, être ensemble en fin de journée avant de la mettre au lit. Mon frère qui habite au Canada mange très tôt 17h30 18h 😬 Mais après il profite et du coup ça permet de digérer.
Merci pour ce texte 👍🏻😍. On s'y retrouve.
Delphine Maarek a dit…
@Erika et @Marion
Ca fait du bien ces moments en famille !

@Owie
A 13 mois! Top il était pressé ton loulou!

@Bouddha
Je trouve que c'est un coup à prendre ! Mais c'est tellement agréable finalement de ne pas avoir à se re-mettre aux fourneaux pour nous une fois bébé couché. On a toute la soirée pour nous ensuite !


Anonyme a dit…
Bonjour je sais que cet article date de quelques mois mais j'arrive à ce stade là avec mon fils de 14 mois. Quel âge avait ton fils à ce moment là? Tu lui donnais que des purée jamais de morceaux? Et tu es passé à des morceaux direct? Car moi il faut un peu le hamster il met plein de morceaux dans la bouche mais j'ai l'impression qu'il ne sait pas mâcher. Du coup je lui donne des purée en même temps pour être sûr de la quantité qu'il mange.
Merci pour ton aide
Delphine Maarek a dit…
@Anonyme

Hello! Aaron avait 17 mois quand il a fait ça. On est passés directement aux morceaux à notre grand étonnement, puisqu'avant cela on mixait tout en purée lisse, le moindre morceau perdu lui donnait un haut-le-coeur. Il a voulu et s'est fait aux morceaux du jour au lendemain. Pas de transition! En revanche, lors du passage au morceau, on a constaté que les quantités étaient moindres, mais cela n'a pas eu d'influence sur sa courbe de croissance ou autre.
Anonyme a dit…
Merci pour tes réponses! J'en profite pour te féliciter pour ton blog tu as un vrai don pour l'écriture c'est un réel plaisir de lire tes articles dans lequel je me retrouve sans problème en tant que jeune maman