L'échappée belle (EVJF)

5 mai, heure du déj. Il y a 3 ans, on étaient au Burger King de Barcelone, à faire le tour de la table des "Tops" et des "Flops" du week-end (comme dans la famille Kardashian, pour celles qui regardent). On ? Mes copines. Mes best. Celles qui m'avaient organisé le plus bel enterrement de vie de jeune fille que l'on ait jamais pu imaginé.
Ça fait 3 ans et j'en parle toujours comme l'un des meilleurs week-ends de toute ma vie.
Je vous raconte ?


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Vendredi matin, 6h00, mon réveil sonne. J'habite rue Frémicourt, dans le 15ème arrondissement, dans un deux-pièces complètement penché. Je suis née et j'ai grandi dans le 15ème, c'est mon tierquar, ma ville, mes rues pavées, mon métro aérien. Mon homme dort toujours, je lui dis au revoir de loin, salut mon coeur bonne journée, eh, dans 3 semaines on sera mariés. C'est parti pour la dernière journée de boulot, TGIF, le printemps est là, l'air est doux, je prends le métro pour la première fois en allant au boulot. Direction Montrouge, ligne 4, je découvre la ville, ce nouveau trajet que j'emprunterai tous les jours désormais. Je suis la première, il est 7h00. Nouveau locaux, nouveaux repères. Deux heures plus tard, mes collègues arrivent, au fur et à mesure. Café, ça va, oui, et toi.
C'est quand la tête espiègle de ma chef passe la porte qu'il se met à flotter un truc bizarre dans l'air, quelque chose d'inhabituel. D'autres têtes l'entourent, une, deux, trois. Quatre. Ils sont combien avec elle ? Une fraction de seconde plus tard, je les reconnais enfin, toutes, une par une. Mes copines. Mes amies. Elles sont toutes là, à la queue leu leu, avec des sacs, des valises, et un sourire fier jusqu'aux oreilles. J'hallucine, je reste bouche bée, j'entends leurs éclats de rires, et un cri : "E.V.J.FFFFFFFFFF !!!!!!!!!".

C'est donc ça, c'est donc pour aujourd'hui, je ne comprends RIEN, on est vendredi, il est 9 heures, mes 6 meilleures amies sont dans mon bureau, juste là, à échanger des clins d'oeils avec ma chef hilare.
Face à ma totale surprise, qui s'est manifestée par un rire nerveux puis un silence total, genre main devant la bouche, à faire les cents pas et répéter "vous êtes dingues", on m'a gentiment servi un café pour m'expliquer la situation.
Le sac que j'avais préparé depuis quelques semaines chez moi est avec elles.
-T'as bien ton passeport ?
-Oui
-T'as ta pilule ?
-Oui
-Ok, alors on y va.

J'avale mon café, je les regarde. Je les écoute. Je suis sur mon nuage.
C'est le moment de faire mes adieux au boulot, bonne journée à vous, oui je vais bien profiter, merci pour tout, merci.

On descend toutes les 7 et on attend l'arrivée du mini-bus qui nous emmène à l'aéroport. Je me vois offrir un diadème de circonstances, un petit sac rempli de surprise parmi lesquelles la plus importante : ma destination, Barcelone.

Ce que je ne sais pas encore, c'est qu'on va vivre ensemble le week-end entre filles le plus réussi de ma vie. On va se faire embrouiller par EasyJet pour une vague histoire de sacs à mains+valise alors qu'on a le droit qu'à un bagage, se taper mille fous rires, arriver sous le soleil espagnol en chantant, avoir une galère sur l'appart de location, couper le groupe en deux, celles qui parlent espagnol pour récupérer l'appart et les autres pour me sourire en prétendant que tout va bien pendant qu'on fait les courses de bouffe. Je découvrirai un appartement dingue avec toit-terrasse, on se fera un apéro au Melocoton et à la Manzana (l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération) qui durera jusqu'à 3 heures du matin en refaisant le monde avec un album souvenir, un quiz type les Z'amours pré-enregistré avec le futur mari et une petite battle d'équipe copines du lycée VS copines post bac pour savoir qui me connaissait le mieux. Un groupe gagnera, mais tout le monde s'aimera. 7 filles, aucune embrouille. Perfection.

Le lendemain on se lèvera, sans réveil, on prendra un petit déj en pyjama sur le toit, on m'emmènera en haut de la rue des boutiques, on me donnera un portefeuille rempli de billets, pas pour un strip-teaseur j'ai horreur de ça et elles le savaient, pour le shopping, des heures entières rien qu'entre nanas à chiner, empiler les cintres, essayer, courir pieds nus chercher d'autres tailles et d'autres couleurs, flasher sur une robe bohème toute blanche qui fait tellement mariée, et se refaire une garde-robe complète en une matinée. Elles achèteront toutes la même robe de chez Mango comme des demoiselles d'honneur, le soir on ira en boîte sur la plage, on boira, on rira, on chantera, on dansera, jusqu'à ce que les lumières s'allument, que les videurs nous somment de partir, qu'on fasse semblant d'aller vers la sortie, et qu'on reparte pour un tour comme des grosses gamines qu'on avait raison d'être. J'irai en griller une avec les fumeuses, on regardera la mer, je penserai à mon mariage dans 3 semaines, on découvrira le strawberry Daïquiri, meilleur cocktail de la planète, et en recrachant la fumée je réaliserai comme j'ai la chance d'avoir des amies en or massif.

Repartir. Avoir mal aux pieds et des copines avec qui le partager. Une jumelles de pointure pour échanger mes aiguilles contre ses compensées.

Rentrer à 5 heures du matin, avoir trouvé un graffiti "David" dans le métro, se coucher pour quelques heures trop courtes, entendre le réveil, déjà, tout ranger, faire ses valises pour la dernière surprise, claquer la porte de cet appartement si plein de souvenirs, aller dans un spa, oublier la nuit presque blanche entre un massage et le hammam, sentir arriver la fin du séjour, trouver du réconfort dans une gorgée de thé à la menthe et leur sourire, décider de finir sur un Burger King avant de prendre l'avion du retour, et les bénir d'être si merveilleuses.

Je crois qu'on a toutes répondu que le flop du week-end était la chute vertigineuse d'une des BFF qui a failli se casser le coccyx le premier soir.
Et qu'on a pratiquement toutes élues notre karaoké sur "L'envie d'aimer" (oui, oui) dans la boîte de nuit, quand les lumières étaient allumées et la musique coupée depuis bien longtemps, comme notre top. 

J'ai passé avec elles le meilleur week-end.

3 semaines plus tard, j'étais mariée.

3 ans plus tard, mes amies sont toujours un pilier de ma vie.

Aaron est arrivé, il a tout bouleversé, je ne suis pas repartie en week-end, je ne sais pas si on aura jamais l'occasion de recommencer, c'est peut être ce qui le rend si exceptionnel.

Mais rien n'a changé vraiment.

On dit souvent "Ils ne peuvent pas comprendre".
Ces gens qui n'ont pas d'enfant. Vous savez. Comprendre ce monde, dans lequel on a la larme à l'oeil en rangeant des bodys taille 3 mois, on s'extasie quand son bébé se met à ramper, on pleure quand il marche pour la première fois.
Un monde à part, où l'on confond le jour et la nuit pendant longtemps, que les heures de sommeil d'affilé se comptent sur les doigts d'une main, la première année au moins.
Ces gens ne peuvent pas comprendre cet amour qu'on a, cette infinie dévotion, pour ce minuscule être qui a changé la face de l'univers, qui l'a balayé d'un revers de sa petite main et l'a enfermé entre ses doigts potelés. C'est lui qui contrôle tout. L'heure du réveil. L'amour. Le cours de la vie.

Je vais vous dire un truc. Je crois que c'est faux. Tout le monde peut comprendre.
Ceux qui ont des enfants, qui sont des précieux alliés. A qui on envoie des textos le soir pour dissiper un doute sur les heures d'écarts entre chaque prise de doliprane.
Ceux à qui l'on ne parle pas souvent, mais qui suivent, de loin, et avec intérêt. Ils comptent beaucoup, aussi, parce qu'ils sont là malgré tout.
Ceux qui sont sincèrement contents pour nous. Pas forcément parce qu'ils savent ce que l'on ressent. Simplement parce qu'ils nous voient heureux.
Ceux qui ne comprennent pas, ce sont ceux qui s'en foutent royalement. Qui ne veulent pas comprendre pourquoi on ne peut pas sortir ce soir-là, pourquoi on est crevés, pourquoi on a moins le moral d'un coup. C'est pas grave, c'est la vie, ça va pas fort, mais ça va passer. Pourquoi on est si heureux qu'il ait fait 3 petits pas que l'on a pas eu le temps de filmer, pourquoi on est si émus qu'il ait dit "téti", si fiers qu'il sache où se trouve son nez, et pourquoi on voudrait le partager avec le monde entier.
Ceux-là partiront, c'est la vie qui fait le tri.

Mes meilleures amies n'ont pas d'enfant et ne sont pas mariées. J'ai le privilège de l'EVJF et de l'épisio.
Mais elles comprennent mes cernes quand elles me voient, offrent parfois un vêtement ou un jouet, juste comme ça, parce qu'elles l'ont trouvé sympa. Elles me posent des questions. S'intéressent. Parce que c'est ma vie maintenant et que mon fils en fait partie. Parce qu'il va avec.

Je suis la personne la plus émotive de la terre, je pleure devant le générique de baby-boom et j'aime des gens à qui je ne le dis que par écrit, le jour de leur anniversaire.
Ils sont mes amis, ma famille. Ils savent.
A tous ceux-là, je dis merci. Merci pour l'EVJF, merci d'avoir été là à mon mariage, merci de m'avoir dit que je n'étais pas si énorme quand j'avais +18 kilos au compteur, merci d'avoir répondu à mes textos de détresse quand Aaron avait des coliques, merci de ne pas m'en vouloir quand j'ouvre la porte de ma maison en bordel, que le frigo est vide et que j'annonce "il est relou aujourd'hui". 

La vie est plus précieuse quand on la partage avec des gens.
Mais surtout avec des gens bien.

Je vous ai.
J'ai tout.


Ah, et, je vous aime.












Commentaires

Unknown a dit…
Et les larmes coulent en lisant ces lignes!
Nous on fait les choses à l'envers avec bébé avant le mariage... Je ne sais pas si mariage il y aura (hey monsieur ça te dit pas? Vraiment ? Mais si aller... ;) mais si j'ai cette chance un jour, j'aimerais un EVJF comme celui-ci! Génialissime !
rilazo a dit…
Vous avez du vous éclater ! Je suis tout à fait d'accord avec toi : les gens qui ne comprennent pas c'est les gens qui s'en foutent, ce n'est pas forcément parce qu'ils n'ont pas d'enfant.
Delphine Maarek a dit…
@Stephanie K
Merci ma belle ! Je te le souhaite un jour, alors !

@Rilazo
;) la vie fait le tri
Pauline a dit…
J’ai adoré le récit de ton enterrement de vie de jeune fille. Je ne sais pas encore ce que mes copines m’ont réservé pour le mien, mais j’espère qu’il sera aussi bien que le tien.
Delphine Maarek a dit…
@Pauline

Merci, je t'en souhaite un tout aussi magique et entourée de beaucoup d'amour