Non, mon fils n'harcèlera pas vos filles

L'autre jour, un ami m'a demandé si je choisissais ma tenue quotidienne en fonction des transports en commun. On est en 2016 et ma réponse est oui. Tous les jours.

Je vous fais part de mon expérience et avant que la ligue des relous me tombe dessus, je rappelle que les propos tenus dans l'article qui suit n'engagent que l'auteur et ne sont en aucun cas le reflet d'Ourson Chéri ou de l'un de ses partenaires, ah merde, non, de toute façon y a que moi, bon, bref, je parle de ce que j'ai vécu et ce que je continue à vivre, je ne fais pas une analyse sociologique pour tenter d'expliquer qui sont les harceleurs ni ce qu'ils ont vécu dans leur vie justifiant leur comportement, je ne cherche pas les causes, je cherche les solutions, et comme souvent selon moi la solution, c'est l'éducation.
(Et c'était peut être la phrase la plus longue de l'histoire du blog).
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 Parce que la température extérieure a miraculeusement dépassé les 20 degrés récemment, j'ai sorti le short, la jupe, la combi et le tout en mini, j'en ai déjà parlé, si ça dépasse le mi-cuisses ça me tasse. Tous les matins j'hésite à porter des talons. La première raison, c'est le confort. La deuxième raison, celle qui prime sur tout le reste, c'est mon trajet et mon état psychologique. Traduction : Est-ce que je suis en mode guerrière aujourd'hui ou est-ce que j'ai la flemme ? Le mode guerrière c'est l'état d'esprit qu'il faut que j'active, quand je monte dans mon RER avec un combishort. Parfois, je mets une musique girl power à fond dans mes oreilles pour me booster et me donner du courage.

Il y a toutes sortes de spécimen. Ce sont toujours des hommes, je ne me suis jamais fait harceler par une femme. Ils sont seuls ou en bande, mais généralement c'est plus violent quand ils sont nombreux. Ils sont dans les transports, dans la rue. Ceux qui me reviennent le plus à l'esprit, ce sont les ouvriers qui travaillent en extérieur et qui profitent de leur supériorité numérique pour vous siffler quand vous passez devant eux. Ils ricanent, commentent votre démarche, votre tenue, votre attitude. Ils parlent à voix haute comme si vous étiez invisible ou sourde. Puisqu'ils savent bien de toute façon que vous allez jouer ce jeu. Oui, en général on va jouer à celle qui n'a rien vu, rien entendu, et on va continuer de marcher en tentant de les ignorer.
Quand ça se produit, je regarde droit devant moi, j'évite de croiser leur regard sinon ils seraient capables de prendre ce eye-contact pour une invitation, je reste digne, mais en vérité, j'ai envie de hurler, de leur foutre un coup de talon sur la gueule, de leur demander quel est leur but, à part me faire chier, me faire sentir comme un morceau de viande sur talons ou un objet auquel on a le droit de s'adresser mais qui n'a pas le droit de répondre parce que si on répond méchamment on est une pute c'est évident, de la princesse à la salope, il n'y a qu'un mot, celui que j'oserai prononcer pour m'opposer à eux.

J'en ai parlé à mon mari en réfléchissant à la rédaction de cet article et je me suis rendue compte qu'il n'avait pas du tout idée de tout cela. Il se doutait que parfois un mec pouvait lancer un "t'es charmante" parce que c'est tellement connu que c'est devenu une blague générationnelle. Sauf que cette blague a éclipsé la vérité : ce n'est pas drôle, parce que c'est presque tous les jours. Ça dépend de ma tenue. Et j'en ai ras le bol. Genre vénère. J'en ai marre d'adapter mes fringues à mon trajet.
Personne n'a a juger de ma valeur sur mes vêtements. Personne n'a a choisir pour moi si j'ai le droit à un seuil de politesse. Ma respectabilité n'est pas proportionnelle à la longueur de ma jupe ni à la hauteur de mes talons aiguilles.
Quand je marche dans la rue, je n'attends pas des gens qui me croisent qu'ils me donnent leur avis sur mon physique. Je vais leur apprendre un truc: si je m'habille c'est pour moi. Allez cordialement vous faire foutre et ne comptez pas sur moi pour m'y coller.
Parce que le pire c'est qu'ils n'y croient même pas. Ceux qui vous sifflent, vous disent que vous êtes charmante et qui demandent votre 06 savent pertinemment qu'il ne l'auront jamais. Ils le font pour s'amuser.
Ils s'amusent de vous harceler.

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Mon fils et ses futurs frères et soeurs ont raté plein de trucs tellement chouettes que j'en verserai presque une larme pour eux. Ils ne connaîtront pas les Pogs, Super Mario, Tétris, les Spice Girls, le Hit Machine, Yakalélo, Justin Timberlake avec des boucles, le Nokia 3310 et son snake, le sifflement de Diam's sur la Boulette, Pimp my ride, Rooms Raiders, Casper, Mercredi Adams, et les Sims's qu'on enfermait sadiquement entre 4 murs sans porte pour voir ce qu'il se passait après avoir tapé "rosebud" et ";!;!;!;" pour être riche.
Par chance, ils ont déjà échappé aux casquettes Von Dutch et au cri de guerre "po polo po po po popo" volé aux White Stripes. Et je crois très fort que si on se débrouille bien, nous, les parents, ils échapperont peut être un peu au harcèlement de rue.

Si j'ai une fille un jour, je veux qu'elle n'ait jamais peur de s'habiller comme elle l'entend, je lui apprendrais que les vêtements ou le maquillage ne seront jamais une excuse pour le harcèlement et que les fous ce sont eux. Je veux que ma future fille marche sans appréhension si elle voit une bande de mecs au loin dans la rue. 

On est en 2016 et tous les matins je pense à mon programme de la journée avant de m'habiller.
La bonne nouvelle c'est que je vais avoir 28 ans et que plus j'y pense, moins je me laisse impressionner. Plus je vieillis, plus j'assumerai mon short, plus hauts seront mes talons, plus fort j'écouterai Beyoncé.

La deuxième bonne nouvelle, celle qui me mets du baume au coeur, c'est que je suis maman d'un petit garçon et que je sais déjà que je vais l'éduquer, je vais pouvoir lui apprendre des choses. Sur la vie et sur les femmes aussi. Je vais l'élever dans tous les sens possibles du terme, pour qu'un jour, quand il aura mon âge, il n'inflige jamais à personne que nous subissons au quotidien, l'automne, l'hiver, le printemps et plus que jamais, l'été.
Je suis maman d'un garçon et mon fils ne sera pas un harceleur de rue.
Je lui apprendrai à ne pas dévisager une paire de jambes nues, je lui apprendrai aussi que si une fille dit non, c'est non, même si elle a un décolleté jusqu'au nombril, même s'il a cru voir un clin d'oeil, même s'il a pensé que c'était pour flirter.
Je lui apprendrai à être un homme comme ça.
Comme celui qui m'a élevée.
Comme celui que j'ai épousé.

Il sera un homme bien.






Commentaires

Anonyme a dit…
Je fais partie de celles qui suivent ton compte instagram, qui likent mais qui ne commentent pas ou si peu mais je voulais te dire quel plaisir j'ai à te lire. Superbement écrit, de l'humour mais aussi tellement vrai et tellement rassurant sur la maternité et l'éducation de nos petits trésors notamment. Je suis maman d'une petite fille de 8 mois et tes textes m'ont souvent fait un bien fou alors merci à toi et surtout, continue comme ça :-D
Sofy
Delphine Maarek a dit…
@Sofy

Merci pour ce commentaire, il me fait particulièrement plaisir car je me demande souvent qui se cache derrière celles ou ceux qui me suivent dans l'ombre :) Merci pour tes encouragements qui me sont très précieux, plus que tu ne l'imagines ! Plein de bonheur avec ta petite puce, je t'embrasse
sunnyna a dit…
Merci pour ce texte. Je voulais l'écrire depuis longtemps, et l'envoyer à des sites comme Madmoizelle, qui touche la jeune génération dans le bon sens je trouve, mais sans trouver le temps ni l'énergie de le faire (pff voilà, j'ai le même âge que toi et je parle comme une vieille ^^). Tu l'as fait pour moi, merci.
Je n'ai pas pu m'empêcher de faire de la pub pour ton article auprès d'eux. J'espère que tu me pardonneras, mais comme tu as lu dans mes pensée pour l'écrire (la touche bébé en plus), tu me devais bien ça :p
Continue surtout, ce sont des blogs comme le tien qui me donne envie d'écrire à nouveau, et le courage d'essayer de me faire entendre.


Anonyme a dit…
Ayant habité Paris et vu ce que j ai subi (assez graves, agression, viol etc ), rer, gare, bus etc alors que j étais en tenue de travail, tailleur pantalon noir, je ne peux plus sortir habillée court même si je n habite plus sur paris, j habite en campagne sud ouest avec mon mari et mes 3 enfants (une famille que j ai réussi à construire malgré mon vécu et faire confiance à un homme aussi). Je n ai jamais recherché quoique ce soit, regard, incitation à la rencontre ou discussion, non. Juste rentrer du travail ou y aller en paix. Des années d enfer. Ici, je suis plus tranquille dans ma petite commune mais le passé est toujours encore un peu présent...
Anonyme a dit…
Je découvre ton blog aujourd'hui et me presse de lire tous ces articles.
Je t'encourage à continuer à nous écrire les mots qui traversent ta vie ��
Romane.