Amour infini, avant/après

Grâce à la merveilleuse fonction souvenir de Facebook, je suis retombée sur une de ces photos.
Vous savez. Celle qu'on adorait à l'époque, tellement qu'on est encore capable de ressentir l'état d'esprit qui nous occupait quand elle a été prise, et celle qui nous semble si loin d'un coup.
On a passé le cap des 7 ans cette année et je ne me souviens pas avoir été plus heureuse avec lui que maintenant.


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Je déteste les débuts de relation. Ça m'est revenu comme un boomerang, il y a 10 jours, quand on est redevenu un jeune couple sans enfant pour cause de crèche et de nounours en vacances.
Il y avait ces deux tourtereaux juste à côté de nous au japonais. Gauches, maladroits, le nez dans leur menu. Comme ils étaient très jeunes, ils étaient même gênés de parler au serveur, comme si leurs parents l'avait toujours fait pour eux et que c'était pour la première fois leur tour de s'adresser à lui. Le mec essayait à tout prix de faire le macho, qui contrôle la situation et mène la danse, alors qu'il parlait la main devant la bouche et agitait sa jambe nerveusement. La nana tentait la séduction en replaçant ses cheveux frénétiquement mais n'arrivait pas à s'empêcher de glousser toute les deux secondes. Bref, ils étaient adorables et ridicules, et m'ont rappelé à quel point je détestais ces phases-là, comme cela me gênait de me retrouver au restau avec un presque inconnu et faire semblant d'être à l'aise.

Tout ça n'a fait que confirmer une chose : la routine, c'est bien. La routine est tout sauf mortelle. La routine c'est mon fou rire quotidien, la complicité qui nous unit, les souvenirs qu'on s'est créés. Je ne valide pas le fait de dormir en chaussettes ou faire un concours de grimaces (quoique). Quand je parle de routine, je parle de ce cap, quand vous êtes mutuellement la personne qui vous connaît le mieux au monde. A la fête des Tuileries, les forains nous vendaient leurs tickets et nous regardait pendant le tir à l'arc en croyant lire en nous. En v'là un autre, petit couple tout frais. Le mec emmène sa meuf faire un tour d'auto-tamponneuse et manger une pomme d'amour pour emballer.
Je souris intérieurement. Si vous saviez. Ce mec est mon mari, mon ami, ma personne préférée sur la planète, je connais les épis dans ses cheveux, la forme atroce de ses doigts de pieds, et les secrets qu'il n'a jamais dit à personne. On se fait pleurer de rire, il me voit sans maquillage, on dort toutes les nuits ensemble depuis 7 ans, pratiquement. Je sais exactement à quel moment il va sourire devant n'importe quel épisode de Friends, on se fait des blagues que personne ne comprend, des danses très étranges que personne ne devrait jamais voir, on a des délires secrets que l'on emportera dans notre tombe, tellement on passerait pour des fous et des abrutis si quelqu'un savait.
On est le couple qui se dit parfois "Tu te rends compte si il y avait des caméras dans la maison genre Secret Story ? On se ferait interner direct non? ".
Alors pour moi, le coup des papillons dans le ventre, l'angoisse du texto qu'il n'envoie pas, la gêne lors du premier resto...un enfer.
7 ans et demi pour savourer. Il m'a vu prendre 18 kilos, me tartiner d'huile tous les soirs en répétant en boucle que je n'en pouvais plus, il m'a vu accoucher pendant 13 heures et m'aime aussi pour tout ça. Je l'aime parce qu'il est drôle, beau, brillant, et plus fort que je ne le serai jamais. Je l'aime parce que je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme lui, aussi mystérieux, aussi aimant, et aussi droit. Mais je l'ai aussi aimé plus que tout quand je l'ai vu vulnérable, fragile, en proie au doute et au questionnement existentiel. On est plus qu'une vitrine, plus que deux amoureux qui sortent au ciné et se font un japonais. On a jamais besoin de se justifier, puisqu'on sait déjà. Tout est plus sincère puisqu'on est là l'un pour l'autre quoiqu'il arrive, pour toute la vie, et qu'en plus, on l'a choisi.
Je ne regrette ni les textos qu'il ne m'a pas envoyés assez vite, ni les dîners à se cacher derrière le menu. Ils m'ont conduite ici. La seule difficulté, là, maintenant, 7 ans après, à l'aube de la trentaine, c'est tenir la promesse que je m'étais fait quand j'avais 16 ans et que j'ai découvert le film American Beauty (encore ce putain film). Une claque dans la figure. Un panneau d'alerte. "Ne grandis pas, c'est un piège". La vie des adultes toute claquée, une fois qu'ils ont oublié ce qui était important dans la vie, qu'ils sont devenus obsédés par leur maison, faire de l'argent, la vie de leurs voisins, et surtout, leur vitrine, cette obsession de l'image qu'ils renvoient.
Une vie dans laquelle on n'est plus attentionnés, on ne s'aime plus ni le soir ni le matin, peut-être seulement un samedi, une fois de temps en temps, on se prend la tête parce qu'on a renversé de la bière sur un canapé en tissu italien hors de prix, et on oublie de regarder la beauté des feuilles qui volent pendant l'automne.
J'ai 16 ans, des parents divorcés, des rêves pour plus tard, et je me fais une promesse. Quand j'aurais trouvé l'amour, je ne mettrai jamais rien entre nous. Ce n'est pas un problème de canapé. Ce n'est pas que je suis fatiguée. C'est que je deviens conne, une vieille mégère, j'ai oublié l'essentiel. Nous. Qu'on n'oublie pas de s'embrasser tous les jours, et pas seulement pour se dire au revoir ou bonjour. Qu'on se sourit quand on se voit, même si la journée était pourrie. Mieux. Se raconter pourquoi la journée était pourrie, et tout oublier grâce à ses bras.
On est sage à 16 ans. On a tout compris à la vie.

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Je suis amoureuse de notre trio, mes deux hommes sont mon équilibre le plus parfait. Je n'avais pas envie de laisser mon fils en vacances. J'avais le coeur brisé de devoir dormir tant de nuits loin de lui. On a finalement passé deux semaines à boire du rosé, manger comme des revenants de Koh-Lanta, aller au cinéma un soir sur deux et ressembler à deux jeunes touristes dans Paris.
Pleurer de rire, voler un baiser, se charrier, lui piquer une frite, se courir après, regarder le soleil se coucher, s'endormir sans se tourner le dos, se donner la main, penser à notre poussin, imaginer notre vie dans 10 ans, se raconter un secret encore enfoui quelque part, pleurer, encore, s'aimer, toujours plus. On est crevés, on a moins dormi que d'habitude, on voulait "optimiser". On a fait mieux que ça. On a ré-appris à s'aimer. On s'est même promis qu'on recommencerait.
On a retrouvé notre bébé, on est encore plus heureux, et je vais vous dire un truc, la Delphine qui a découvert American Beauty à 16 ans et s'est promis qu'elle aimerait, un jour, plus que tout, qu'elle resterait vraie, et que rien ne surpasserait jamais ça, elle est toujours là, quelque part. Et elle est drôlement fière de moi.










Commentaires

caudrey33 a dit…
C'est tellement vrai et beau. Ça me parle beaucoup à moi qui vit la même chose 😊
Anonyme a dit…
Ce texte est tellement beau. Je me reconnais énormément dans ce que tu dis ��
Marion M. a dit…
Hier, j'ai découvert votre blog grâce à instagram. Depuis hier je parcours vos écrits et je suis bouleversée.
Déjà parce que vous écrivez superbement. J'ai lu chaque poste comme une nouvelle. C'est un compliment j'adore les nouvelles! J'en finissais un pour en lire un autre et un autre...et puis je me suis forcée à arreter pour en laisser pour plus tard...C'est pour dire!
Ensuite, votre histoire ressemble beaucoup à la mienne. C'est perturbant (conversion, distance, jeune maman)
J'écris beaucoup secrètement pour me souvenir, pour extérioriser... mais vos mots à vous sont beaux et justes.
J'ai lu tout haut hier à mon conjoint les mots qui nous ressemblent tellement vous m'avez émue.
Et puis les valeurs qui ressortent de tous ces écrits, les promesses à soi même pour protéger notre bonheur, l'entretenir. C'est tout ça que je suis aussi.
Bien sûr il y a aussi des différences, chaque histoire, personne est differente.
Je vais continuer à vous lire avec plaisir. Vous suivre avec bienveillance.
Moi qui ne commente jamais, je voulais sortir de cet anonymat qui fait de nous parfois des 'voyeurs'.
Les découvertes coup de coeur comme celle ci font pour moi toute la beauté des réseaux sociaux.
Alors je commente pour vous remercier de partager ces bouts de vie qui me touche en plein coeur.


Chabbat shalom
Marion M.

Marion M. a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Delphine Maarek a dit…
@Caudrey33
Alors tu as aussi beaucoup de chance :) Merci pour ton commentaire !

@Anonyme (00:44)
Merci beaucoup

@Marion M
Moi aussi j'adore les nouvelles, alors votre message m'a fait très plaisir. Je suis vraiment touchée, profondément, autant par le fait d'avoir plein de points communs avec des inconnus, que de découvrir ce genre d'encouragements. C'est toujours agréable quand ceux qui suivent dans l'ombre décident de parler. Un immense merci d'avoir pris le temps de me dire tout cela, et plein de bonheur à vous. A bientot sur le blog ou Instagram ;) nechikot
Anonyme a dit…
Magnifique. Écris en pleins je dévore ton blog