On s'est retrouvés sans tétine un soir à 21h (et on a failli ne pas survivre)

Chez nous, ça s'appelle une tétine. Pas une tototte, pas une sucette, encore moins une susu.
On n'était pas franchement emballés par cette idée quand il est né.
Et puis il y a eu sa troisième nuit de vie, quand il a passé 4 heures à hurler et que l'AP m'a expliqué qu'ils avaient un besoin de succion. La tétine a officiellement fait son entrée dans nos vies cette nuit là. A cause d'elle, j'ai cédé aux clichés des mamans qui achètent des trucs niais du style tétine avec écrit "J'aime ma maman" et j'en étais presque fière. A cause d'elle, il n'a jamais eu de vrai doudou avant ses 18 mois. A cause d'elle, on s'est tapé les fameux réveils nocturnes juste pour lui remettre dans la bouche, parfois 5 fois par nuit. Et hier, on a découvert qu'il ne pouvait pas dormir normalement. Il ne peut pas dormir sans.

Depuis sa naissance on les a accumulées, chez la nounou, dans son lit, parc, sac à langer, poussette. Par dizaines. Il a commencé à développer une préférence pour une certaine forme et une certaine marque, on n'a pas jeté les autres au cas où, et on a doublé les stocks de ses favorites. Et puis un jour, on ne s'explique toujours pas comment, elles ont disparu, petit à petit, ramenant leur nombre total initial à deux chiffres au très dangereux chiffre 1. Il ne nous en reste qu'une. Et comme il est moins accro qu'avant, on ne tourne qu'à une tétine sans trop s'inquiéter, de toute façon on en a sûrement d'autres qui doivent trainer. Avec le recul, c'est inconscient, c'est du suicide, me direz-vous.

Je confirme.


18h. La nounou m'annonce solennellement que le mari l'a déposé sans tétine ce matin. Quel tête de linotte celui-là. On repart. Avec coco, et sans tétine.

19h. Le mari rentre à la maison et m'assure qu'il l'a bien déposé ce matin chez la nounou avec une tétine dans la bouche "puisqu'en partant je lui ai demandé qu'il enlève sa tétine pour me faire bisou". Il parie sa main, il la met à couper, au feu, bref, c'est bon, je te crois, détends-toi.

20h. C'est l'heure de se coucher. Et on n'a toujours pas remis la main sur la moindre tétine valable.

20h30. J'ai vidé la cuisine et sa chambre pour collecter toutes les tétines de la maison et les disposer sur une petite assiette. Le prince en pyjama s'approche de mon étrange plateau-tétines, les analyse, les observe, les prend une par une, les sous-pèse, les regarde, longuement. Et les repose. Toutes. On n'est pas dans la merde.

20h40. Je l'incite à choisir une ou deux tétines, celles que je trouve preeeesque similaires à ses tétines habituelles. Il refuse. On va dans le tipi, une tétine dans chaque main, il s'allonge et les enfouit sous les coussins en disant "cache". Ok il les déteste tellement qu'il préfère s'épargner leur vue.

20h50. Allez mon coeur, on dort ? On prend une tétine ? Réponse : "cache". Sous son oreiller cette fois. Il les hait vraiment.

21h00. On pousse la porte et on s'en va sur la pointe des pieds en croisant nos doigts, nos orteils, nos cheveux et nos jambes.

21h10. On l'entend sangloter en réclamant sa tétine.

21h11. Je retourne la maison. Armée de la lampe de poche d'Aaron, j'inspecte tout telle une candidate de "Room Raiders": sous le canapé, les matelas, entre les lattes des lits, dans mes sacs à main, nos manteaux, nos valises. Rien. Pendant ce temps, Aaron danse avec son Elefun.

21h15. La pharmacie de garde la plus proche est à Nation.

21h20. Je prends l'appel à un ami, Jean-Pierre. Je téléphone à la maman du BFF d'Aaron (et accessoirement mon amie, aussi) pour la supplier de nous prêter une tétine. Oui, Mimi aime les mêmes tétines que nous, les MAM ergonomiques qui emboîtent les joues et autour de la bouche. Miracle, ils sont chez eux, prêts à nous sauver la vie. Vas-y chéri, et n'oublie pas ta doudoune, il fait 5 dehors.

21h30. Le mari claque la porte, saoulé comme jamais, puis revient triomphant, 3 minutes plus tard, une tétine dans la main. On peut remercier le sac banane de notre poussette qui en abritait une petit dernière précieusement.

21h31. Aaron aperçoit la tétine et son visage s'illumine comme si c'était le matin de Noël. Tout est bien qui finit bien. Il se jette dessus.
Bon, en revanche, il n'a plus du tout sommeil.

22h00. Tout le monde est couché. Demain je vais à la pharmacie, je rachète un stock complet.



© Ourson Chéri







Commentaires

Anonyme a dit…
je n'ai pas pu m'empêcher de lire ton texte en souriant :)
tellement ça !
il nous est arrivé la même chose en voyage à l'étranger... pourtant équipé de 5 tétines, on a vu notre stock diminué au fil des vacances jusqu'à arriver à 1 tétine. On la surveillait pourtant comme s'il s'agissait d'une pierre précieuse et bim le dernier jour on l'a perdu !
vive les 16h d'avion avec des tétines indonésiennes qu'elle a fini par prendre :)