Ton père est une mère comme les autres



Il m'avait prévenue quand j'étais enceinte. 

"Bon. J'accepte de changer les couches, mais seulement le pipi. Non, j'te jure chérie, l'autre, ça me dégoûte, vraiment, je pourrais pas, non, non, sérieux". 

S'il avait su. 

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Ça a commencé le 1er décembre à 13:23. Aaron, tu es né, et puis il est devenu tout blanc, c'est lui qui t'a accompagné pour les premiers soins, c'est lui qui a pris le premier cliché de ta bouille, de ton corps tout rose et sale. 
Je ne savais pas du tout quel genre de papa il serait, je me disais qu'il serait juste et tendre. Je me suis à moitié trompée, il n'est pas toujours juste, parfois il se fait complètement avoir, il dit "mais non, Aaron", tu réponds "mais siii" avec un sourire enjôleur et ça y est, il rit, il répète pour la 5ème fois "bon, une dernière fois hein", tu l'embobines comme ça et c'est beau comme tableau. Tendre, non, tendre c'est même pas un euphémisme, c'est une insulte, il n'est pas tendre envers toi, il est raide dingue de toi, il a le même réflexe que moi, qui pensait être la seule tarée à le faire, à chaque fois que je te prends dans mes bras, même juste pour deux secondes, pour t'assoir quelque part ou te soulever devant un obstacle, chaque fois sans exception, je t'embrasse, je ne peux pas m'en empêcher, un petit bisou, hop-là, à la volée. Il fait pareil. 
Tu passes ta vie dans ses bras, dehors, dedans, chez Ikea, en faisant des courses, à la Poste, à la boulangerie, au parc, à la station essence où avec lui tu laves la voiture "pleines de caca" (non Aaron, on ne dit pas ça), tout le temps, collés-serrés, à vous faire des bisous et vous papouiller. 

C'est l'homme le moins démonstratif que je connaisse (ah si, pardon, il y a mon père, en pôle position) et avec toi, tout est différent, il te réclame des câlins comme un drogué, tu es son opium, son oxygène, sa liberté. 

Oui sa liberté, avant toi il pensait que les enfants compliqueraient la vie, et puis le 1er décembre est arrivé, toi avec, il a compris, en vrai tu as tout simplifié. La vie, le travail, les priorités. Sa liberté, c'était toi. 4,1kg et 53cm pour comprendre ce qui compte vraiment. 
Tu ne le réalises pas encore mais c'est pour toi qu'il a tout laissé tomber, les piges, la radio, la prod, la télé, voilà, il a tout envoyé valser pour la stabilité, la nôtre, et c'était dur, si tu savais, parfois la nuit il y pensait pendant des heures, au lieu de dormir, il cogitait, lui le dormeur de service, il avait découvert les insomnies. Il a fait tout ça pour nous, tu vois, et puis maintenant on a un chez-nous, avec une terrasse où l'été on fait griller des saucisses comme la Pat' Patrouille et on se court après en hurlant avec un jet d'eau à la main. Comme dans les films. Comme dans les rêves. 

C'est un papa qui t'habille parfois comme un as de pique avec des pièces mal assorties, qui oublie de te coiffer et de te laver le visage le matin, mais qui est capable de flasher sur un tee-shirt "trop beau" et te l'acheter en deux secondes alors que d'habitude pour s'offrir le moindre article il a besoin d'une semaine de réflexion. 

C'est le genre de papa qui ne te laissera jamais tomber, tu vois. Quand tu auras besoin de discuter avec lui, je sais qu'il t'écoutera. Il te valorisera. Il t'aime depuis le 1er décembre 2014 et il t'aimera toute la vie, même depuis le paradis. 
Je me suis mariée avec lui et je savais qu'il serait le père de mes enfants mais je ne savais pas qu'il serait père à ce point-là. Personne n'aurait misé sur lui, tu sais. Il n'allait pas vers les gosses, il était de marbre devant les bébés. 
Il m'avait prévenue quand j'étais enceinte. J'accepte de changer les couches, mais seulement le pipi. 

Il t'aime plus que sa vie et il t'a changé tous les jours, toutes les nuits. 
Il t'a bercé des heures entières en plein hiver, il faisait rouler la poussette dans le salon, quand tu avais trois semaines il t'a donné un bain à deux heures du matin. A cette époque-là j'étais si fatiguée, tu n'as pas idée, je ne t'entendais qu'à moitié dans le babyphone, mes yeux se fermaient tous seuls d'épuisement.  Il se levait. Et pas parce que je lui demandais. Ce n'était pas une faveur, pas un coup de main. 

Il se levait parce qu'il est ton père. Et tu as de la chance. Ton père est une maman comme les autres.


Doux et colérique, gentil et autoritaire, patient et pressé, zen et stressé. Il a ses hauts et ses bas, il soigne autant les bobos, il aime autant t'embrasser et te câliner, il tuerait si quelqu'un touchait à l'un de tes cheveux bouclés. Ton père m'a montré, comme le mien, que les mamans n'ont pas le monopole de l'amour ni de l'instinct. 

Il ne t'as pas porté, il n'a pas eu d'épisio, mais il a supporté tous mes craquages, il a tenu ma main à chacune de mes nausées, il m'a écoutée quand j'étais bouleversée, il a vu rouge quand mon accouchement s'est éternisé, il a passé les 10 premières secondes de ta vie collé à toi avec des larmes pudiques dans le coin des yeux, et il passera le reste de sa vie à marcher derrière toi, même quand tu seras vieux. 

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Il y a deux semaines, il m'a montré quelque chose que j'ignorais. 

Quand on regarde un film tous les trois, ils se tiennent le pouce, et Aaron coince son petit ongle dans le sien. Ils jouent comme ça, avec leurs ongles, silencieusement.  Depuis toujours, apparemment, ça fait deux ans. 
Il me l'a montré en pleine action devant Vaiana, et j'ai souris bêtement. 

Je ne t'ai rien dit sur le coup. Mais ce que j'ai pensé, c'est que je n'aurais jamais imaginé avoir autant, avec vous. 

Merci d'être le père que tu es. Ce n'est pas comme dans mes rêves, c'est encore mieux. 

C'est vrai, c'est sincère, c'est humain, c'est le meilleur de toi-même que tu donnes et que je vois, tous les jours depuis 2 ans et 6 mois. 

J'ai hâte de te découvrir avec celle qui grandit encore dans mon ventre quand j'écris ces lignes, celle pour qui tu as choisi une combi hippocampe brodée dans un magasin en affirmant très sérieusement qu'elle était trop mignonne alors que jusqu'ici l'explosion de rose dans la maison te laissait de marbre.

J'ai hâte de passer le reste de ma vie à te voir être ce père. Plein de défauts idiots et complètement fou d'amour pour ses enfants.
Merci d'être ce père. Juste fou d'amour pour ses enfants.

(Bonne fête)




© Ourson Chéri



Commentaires

Célia a dit…
Mon dieu, comme j'aime te lire.. c'est tellement ça chez moi aussi..
Margot a dit…
À 19 ans maintenant je te suis depuis au moins 1 an et demi. Je suis tombée par hasard sur ce compte remplit de douceur et d'amour et je suis très admirative, de votre si jolie famille, et de ce qu'elle dégage. Je ne commente jamais, mais je me régale en secret de te lire et je suis toujours une des première à me réjouir quand tu annonces un nouveau post sur Ourson chéri! C'est un talent très précieux celui que tu as, de pouvoir exprimer des sentiments aussi forts avec des mots simples! Je ne suis pas maman, je n'ai pas de mari évidemment mais l'idée de fonder un jour peut être une famille aussi tendre et unie que la tienne me fait rêver je l'avoue! Alors au lieu de garder cela pour moi, je me suis dit que pour une fois, j'allais sortir de mon anonymat et te remercier d'être aussi vraie et de nous laisser à tous apercevoir une parcelle de ce que vous avez fondé tous les 3(et demi)! Bonne fête au papa, et vive la vie!
Joli__bonheur a dit…
Superbe texte pour ton mari! Bravo à toi encore Pour ta jolie plume! Plein de bonheur à vous bientôt 4 ❤️
Drine_q a dit…
😍😍😍😍😍😍
Tellement beau
Il a de la chance Aaron d'avoir un papa comme ça.
Mon chéri est un peu comme David "une mère comme les autres" et c'est ❤️❤️❤️❤️
Melamoureuse a dit…
Je ne me lasserai jamais de te lire, merci Delphine !
Unknown a dit…
J'adore te lire , depuis 1 an je te lis sans laisser de commentaire , c'est vrai .
Je te lis depuis le début de ma grossesse, mon fils a aujourd'hui 6 mois et je nous reconnais dans tes textes , je me reconnais tellement que j'en ai à chaque fois les frissons et les larmes au yeux ,
tu écris vraiment très bien , continue comme ça :) et Merci :)