{La propreté} Un slip spider-man, taille 3/4 ans

On appuie fièrement sur le bouton de l'ascenseur. 
Lundi 21 août 2017. Lyon Part-Dieu. 
Traverser les couloirs baignés de lumière. Se donner la main et presser le pas, Papa et Neva nous attendent en bas. On se dépêche mais on est contents et fiers tous les deux. On est sur le point de rentrer à Paris après nos premières vacances à quatre, mais avant de reprendre la route, on passera chez Primark. 
On a beau être à des centaines de kilomètres de la maison, en vacances, aujourd'hui, on va chez Primark et on achète un stock de slips. Ceux qui ne nous attendent pas à la maison, parce que c'est un accessoire inédit de sa garde-robe. Parce qu'aujourd'hui, c'est officiel. 
Il est propre. Mon tout petit garçon.  


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 Ça commence quand il a quelques heures de vie. Comme pour le lait ou le sein, il y a différentes écoles vous savez, il y en a toujours plein. 
Lingettes, liniment, eau et gant. 
Vous dites "oui, oui" à la maternité. Puis vous rentrez chez vous et vous suivez le meilleur conseil que l'on vous ai jamais donné, "fais comme tu le sens"

Voilà, 2 ans et 8 mois à changer des couches. C'est l'une des premières activités que l'on partage avec bébé, au début on est presque enthousiaste, on s'entraîne, ça fait partie du contrat, celui qu'on a fantasmé pendant 9 mois. Quand on parle nourrisson, l'entourage y revient toujours. Alors, prête pour les couches et les biberons ? 
Satanées couches. Celles qui débordent après une sieste trop longue, celles presque sèches mais qui ont fuit, merde, il faut que je change de body aussi. Celles que l'on négocie avec son mari. C'est toi. Allez, s'il te plaît, vas-y. 

Quand on a un bébé né en décembre et qui rentre à l'école à 2 ans et 9 mois, cette couche, c'est aussi celle qui nous donne des angoisses, celle qu'on veut voir disparaître vite, pendant l'été, avant la rentrée. 

Par une chance insolente, c'est ce qui nous est arrivé. Et voici ce que l'on a fait pour l'y aider. 

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"Non". 
C'est la seule et unique réponse que nous avons obtenu lorsque nous lui suggérions le pot. Quand je dis suggérer, ce n'était pas l'agiter frénétiquement devant lui en hurlant "il faut que tu colles tes mini-fesses là dessus sinon tu ne pourras pas aller à l'école!"
Non c'était, à partir de ses 2 ans et lorsqu'il est entré en crèche collective (et a donc observé ses camarades plus âgés y aller), lui expliquer qu'un jour, lorsqu'il le souhaiterait, on pourrait acheter un pot, et lui apprendre comment s'en servir, lui dire qu'un jour il ne porterait plus de couches et deviendrait un grand garçon, prêt pour l'école. Ah non, non tais-toi, pas l'école, chaque chose en son temps, le brusque pas. 

Un jour, trois mois plus tard, on a acheté un pot. Il a dit ok dans le magasin, et il n'a plus jamais voulu en entendre parler. Il l'évitait. Hors de sa vue, répugnant objet. 
On a le temps, t'inquiète, on verra cet été.

Mon congé maternité a commencé, nos journées en tête-à-tête aussi. Pleine de bonne volonté, naïve que j'étais, j'ai continué de lui proposer, lui expliquer. Sans la moindre réaction de sa part, sans le moindre intérêt. Maintenant que cette époque est derrière moi, si j'avais un conseil à donner, je vous dirais de continuer. Je suis convaincue qu'aussi peu intéressé semblait-il être par l'objet de la discorde, ces explications, que je m'efforçais de répéter dans la douceur, dans l'accompagnement, ont eu un impact bénéfique jusqu'à son déclic.

Je suis obsessionnelle et psychorigide, je suis une maman plus nerveuse que baba cool, mais on m'a tellement mise en garde sur le fait de ne pas braquer son enfant pour la propreté que j'ai tout fait pour garder mon sang-froid et ne pas lui communiquer mon stress. 
Un jour, il a choisi un nouveau pot, dont il a bien voulu parler cette fois. On a ressorti notre couplet sur la propreté et on a laissé mariner. Encore et encore. 
Les semaines passaient, mon terme approchait, je me doutais bien qu'il ne serait pas propre en même temps qu'il apprendrait à être grand frère alors la panique nous a légèrement envahi... mais on l'a rangée, dans un coin de nos têtes, on a fermé le tiroir à double tour, évité le sujet avec notre entourage et on a attendu. 
Au début du mois d'août, quand Neva avait 4 ou 5 semaines, il a accepté de s'assoir dessus. J'ai souri poliment, je l'ai accompagné calmement aux toilettes et j'ai fait en sorte de garder silencieuse la petite voix dans ma tête qui hurlait "victoire !!!" en dansant la macarena. 

Cette fois c'est la bonne. 

Y croire. Chercher la première librairie du coin pour acheter T'choupi va sur le pot, ne pas trouver, se rabattre sur Trotro, passer au Monop' acheter des gommettes et envoyer par mail au mari un tableau Excel, avec 300 cases vides, juste écrit en haut de la page dans une case "pipi" et dans l'autre "caca". A imprimer merci, oui tu es au travail, bon, tu lanceras le document quand tu seras sûr que personne te verras, c'est important je te jure. 
Passer du temps aux toilettes. Dédramatiser le lieu. Y rester, posés tous les deux, assis sur le carrelage à lire le livre de Trotro.  Expliquer le principe des gommettes, une par passage au pot, à coller dans la case qui correspond. Et puis dans l'euphorie, prononcer l'erreur fatale, et promettre un bonbon. 

Oh j'avais bien conscience que ce n'était pas l'idée du siècle. Mais le déclic est apparu à cause ou grâce à la fraise tagada, et on a collé presque 10 gommettes en une journée, autant pour les mini-gouttes que pour le reste.
J'ai réduit la ration de bonbons pour ne pas tomber dans l'obésité mais la machine était lancée. Il me demandait bien sûr quand ce n'était pas le bon moment. A la fin de la cuisson des pâtes, pendant ma douche, à chaque fois que je donnais un biberon. Oui j'ai pesté intérieurement, et oui je l'ai accompagné en souriant. Un pipi, un biberon, deux bras, une cinquantaine de solutions. 
Il a fallu quelques jours et des vacances en maillot de bain, sans couches à portée de main, pour confirmer l'exploit. D'un coup on a réalisé qu'on avait pas de slips. On voulait à tout prix marquer le coup, vous savez, ce moment spécial, où il les choisirait lui-même.  
On a cherché partout un Primark pendant nos vacances juste pour lui trouver les slips spiderman dont il rêvait. Je revois David nous attendre sur le parking avec Neva à l'arrière, Aaron et moi main dans la main à traverser le plus grand centre commercial de Lyon (évidemment la boutique était à l'opposé), le magasin bondé, le rayon mal rangé, sa taille introuvable, les longues minutes passées accroupie, la sueur perlant sur le front, à la recherche du lot en taille 104, on sait jamais, parfois caché tout au fond, ou tombé par terre, Aaron revient, chéri, attends deux secondes s'il te plaît, tient moi ça, mon sac, les 32 premiers lots qui sont tous en 6 ans, bon, y a plus que du 110, tant pis, on le prend. Il avait ses slips de grand, il était tout fier. Nous aussi.  
Aaron était propre, il savait demander. Parfois "c'est trop dur" ou bien "c'est coincé". Alors on essaye quand même de le faire un peu patienter, on lui lit une histoire, on lui apprend à gérer. 
On a gardé les couches pour les siestes, les nuits, et, au tout début, les déplacements, notamment en voiture. Puis, petit à petit, il s'en est débarrassé de lui-même. Il n'en voulait plus. Plus jamais. On l'a écouté. 
Des accidents sont toujours au rendez-vous, surtout lors des phases de sommeil, si on commet les erreurs de débutants (vous savez, comme le coucher sans y être passés, parce qu'il n'avait pas envie, maintenant on y va toujours avant de dormir, même quand il n'a pas envie), si l'on a affaire à une situation de code marron (fan de Friends bonjour!) et qu'il n'a pas osé demander. Ça arrive. Certains jours, on a lavé les draps tous les matins. On s'est un peu inquiétés, en silence, mais on a gardé le sourire et jamais parlé de remettre des couches. "On a confiance en toi". On veut qu'il retienne bien ça. Maintenant, trucs de mecs, sans que je ne m'aperçoive ni quand, ni comment, il a appris à faire pipi debout, comme papa. 
Ça aura duré 2 ans et 8 mois. 

Deux pots (pour les gommettes jaunes), un rehausseur de toilettes (pour les gommettes... de l'autre couleur) un paquet de couches tailles 5 qui a pris la poussière avant que l'on ne s'en aperçoive, et comme pour chaque nouvelle dent, chaque pas en avant, une nouvelle petite victoire, dans la vie d'un enfant. 

Et pour moi, à nouveau, un sourire fier. Un sourire de maman. 


© Ourson Chéri



Commentaires

Unknown a dit…
Jadore ton blog! Mon fils à deux ans et 5mois et toujours les couches pareil avec l’arrivé de sa petit sœur c’est un peux compliqué... bientôt notre tour j’espère :)