Crocodile d'avril {bref, on a été au Parc Zoologique de Vincennes}

9h00, mardi, vacances scolaires, papa au travail, petite soeur à la crèche, c'est notre semaine à deux qui commence. J'ai un programme de type château de cartes, c'est à dire que tout est joliment construit dans ma tête mais peut s'effondrer en deux secondes: si Neva chope la varicelle qui a contaminé toute la section depuis 10 jours, si la programmation du ciné s'avère nulle, ou si la piscine décide de fermer un mardi toute la journée.
Pas d'bol, la piscine a finalement décidé de fermer le mardi toute la journée et le reste du monde avait oublié de m'en avertir. C'est donc en avalant mon café froid que je referme solennellement mon ordinateur en affirmant "Bon, aujourd'hui, on va au zoo!" sous les applaudissements du public en délire, ou, plus simplement, de mon fils avachi dans le canapé devant la Pat' Patrouille.

Après avoir enfilé une combinaison hasardeuse de vêtements, sélectionnée par les soins de mon 3 ans et des poussières qui m'a savamment amadouée en souhaitant que l'on s'habille pareil, nous voilà partis, nos sac à dos respectifs (Aliexpress vs Power Rangers) bien vissés sur nos épaules, le pas décidé et le bus coopérant. Pas de permis de conduire, pas de drame, c'est avec une chance qui frise le génie que nos 3 bus (conquérante, je vous l'avais dit) se sont enchainés à la perfection, nous promettant une arrivée triomphale sur les lieux.

11h38. Distraite par la joie et l'allégresse de ces instants de bonheur, je me suis trompée de queue. Quand une furie brune me hurle que je suis dans la mauvaise file, je garde dignement mon calme pour faire honneur à ma condition de mère, et je me faufile au "bon endroit" en me plaçant directement derrière la famille qui était arrivée en même temps que nous. Je m'attire les foudres de la furie numéro 2, derrière moi, à qui je tente d'expliquer raisonnablement mon problème. 40 personnes sont arrivées entre-temps et Aaron me réclame déjà les bras. #erinbrokovich #seulecontretous

11h45. Les tickets sont pris, mes sueurs froides ont disparu en même temps que mon capital sympathie au sein du parc. Heureusement, il me reste mon fils et sa passion pour la brochure alias le plan du zoo. Un seul objectif: "Les crocodiles". #amisdesbetes

11h52. On a passé les autruches bizarres, elles sont moches, les manchots, déjà vu, les otaries, elles sont parties bouffer, et tout ce qui ressemble à la version ultime d'un lapin ou d'un rongeur géant, on s'en fout. #pokemon #attrapezlestous

NB: je tiens à préciser qu'en réalité on a déjà fait ce parc zoologique en novembre, en passant scrupuleusement devant chaque enclos. On a presque lu toutes les pancartes. Alors cette fois, c'est "droit au but", une visite spéciale pour nos animaux préf'. Je vous vois venir, je ne suis ni une connasse parisienne qui gruge dans les queues, ni une flemmarde qui ne veut rien apprendre à ses gosses. #elleditbeaucoupdegrosmotsquandmeme

11h55. On a chaud. La mère distraite qui regarde mal les panneaux n'a pas non plus pensé à consulter la météo. On se traine en gros pulls sous 30°C et un soleil de plomb. La lente et désagréable visite de 4 heures avec tous les manteaux à porter, ainsi que coco (le célèbre doudou d'Aaron qui n'est autre qu'un coussin de la taille d'un oreiller ou presque), les sacs à dos ("je peux pas maman, c'est trop lourd"), mais aussi le bâton et les cailloux ("ah ça non Aaron ! -mais si regarde maman, dans ton autre main!"), commence maintenant. #chaouch

12h06. On a faim. Comme on a laissé un salaire entier dans nos tickets, c'est l'heure de sortir nos sandwichs papier d'alu. Je les ai fait pour lui, avant de partir, et moi je suis à la diète pour cause de régime au point mort. Finalement Aaron ne grignote que les coins du pain de mie et les cornichons. Du coup, je m'enfile tout le reste. #volonté

12h10. On en profite pour faire un petit point trafic et consulter le plan pour comprendre le parcours. Problème, on est à l'exact opposé des crocodiles. #hautlescoeurs

12h20. Les lions sont beaux, les lions sont forts, les lions sont fascinants. "Je veux voir les crocodiles". Ok Aaron.

12h26. Petite alte à la clinique vétérinaire du parc, sur notre chemin. On assiste en direct à l'amputation de la queue d'un caméléon. C'est gore, il adore. On se souviendra du mini masque à oxygène du caméleon (mignon), du fil et de l'aiguille de la vétérinaire (spéciale dédicace à la team custo) et de ses yeux à lui, fascinés face à cette scène inédite (sans surprise, j'ai évidemment pensé qu'il s'agissait de la naissance d'une vocation, là, en direct, sous mes yeux ébahis). #emotion

12h30. Les girafes sont toujours là, et le mec est toujours dans un coin. Les adultes comprendront les termes "femelle", "chaleur", "mâle" et "agressivité". Pour la version aseptisée servie à mon 3 ans, ce serait qu'il a un peu trop envie de leur faire des bisous, parfois, alors il est réduit à l'isolement. #natureimpitoyable

12:47. Entrée fracassante dans la grande serre tropicale, soit la promesse de la rencontre au sommet entre Aaron et les célèbres crocodiles dont il parle depuis une heure. On passe les portes, une chaleur moite nous assiège. Je sens déjà la sueur perler sur mon front et je maudis nos manteaux et coco. Aaron me soulage un peu, il accepte de remettre son sac à dos et veut finalement tenir "la brochure".

12h48. On voit un caméléon (oh Maui), un criquet (comme Jimini dans Pinocchio) et un boa ( regarde, c'est Kââ!). Je crois que Walt Disney était le premier Steve Jobs, il a créé un univers unique et incontournable qui s'immisce dans mon esprit à chaque instant. #inception

12h50. L'anaconda est moche et il a trois queues. #monfilscepoete

12h51. Alerte rouge les gars, il n'y a pas de crocodiles dans ce parc, je répète, il n'y a pas de crocodiles !

12h52. Un caïman nous sauve la vie. L'effet d'optique de l'eau a tendance à l'agrandir, on met nos mains près de nos yeux, on s'approche de la vitre pour l'observer à travers sans les reflets du soleil et là, je sursaute, oh putain, il est juste devant nous, on se retrouve nez à nez avec lui, son regard froid nous fixe étrangement, mon coeur s'emballe, mais Aaron en a assez vu "Bon, on va voir les chauve-souris maintenant?".  #toutçapourça

12h55. J'ai vu un lamantin bouffer une feuille d'épinard, ma journée est terminée.

12h57. Les chauves-souris sont pas là. C'est pas grave, maman. Peut-être qu'elles sont allées faire des courses. Fais voir la brochure!

La suite. Un kinder bueno qui fond sous les doigts, un café très allongé, d'autres cailloux, les jaguars qui ont défilé devant la vitre à quelques centimètres de nous (coeur qui s'emballe, bis repetita) en roulant leurs maigrichons derrières, et puis au moment où je pensais qu'on allait partir après 2 glorieuses heures de visite, la demande d'Aaron de retourner voir la clinique vétérinaire et le petit "dinosaure" qui s'y fait soigner, pour finalement refaire tout le parcours inverse, une deuxième visite dans la serre tropicale, la découverte des chauves-souris (enfin!) la pause déj' des vétérinaires qui nous ont mis sur le carreau, les pumas, les lynx, les escaliers devant les otaries qu'il a voulu monter et descendre à l'infini -une perspective de sport facile et gratuit que, contre toute attente, j'ai décliné- bref, deux heures de plus, le vol de feuilles qui ressemblent à de la menthe pour faire un thé, un passage à la boutique souvenir, un crocodile tout mou qui s'étire comme un élastique baptisé Crapaudile, un au revoir, 3 bus pour le retour, un enfant sage, ni cris ni larmes, même de crocodile, non, aucun scandale, des baskets pleines de poussières, la célèbre brochure précieusement pliée au fond du sac, un joli mardi d'avril qu'il oubliera sûrement... et moi non, probablement.


© Ourson Chéri





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