Bonne fête maman
De toi, j’ai hérité de la tête à chapeaux, la manière de tousser, l'allure chic avec de grosses boucles d'oreilles, la silhouette légèrement en sablier, l'impatience, le sourire, l'amour des belles choses et les imprimés fleuris.
Tout m’est réapparu, comme un cri, depuis que le silence était entré.
Il y a 10 jours je me suis replongée dans mes souvenirs d’enfance et je me suis pris cette claque dans la figure. Tu sais les souvenirs sont noirs lorsqu'on est amer et moi j’étais pire qu’un pamplemousse. Mais je me suis rappelée. Le parfum du salon de thé à Dinard et son cake au chocolat, ma sorcière bien-aimée, ton soufflé au fromage et la terracotta.
En fait, tu m’as aimée.
Bien sur que tu m'as aimée. Tu m’aimais tant que tu avais besoin de me protéger de tout. Tu m'as appris très tôt a me méfier des mecs bizarres dans la rue. Changer de trottoir, rentrer dans une boutique, taper dans les couilles (ou plutôt « entre les jambes ») et surtout, hurler, le plus fort possible. Tu sais maman, je n'ai jamais été emmerdée, ni adulte ni enfant.
T'avais tellement peur qu'il m'arrive quoi que ce soit que j'ai raté les 3/4 des classes vertes, tu pleurais quand j'ai dû partir 3 semaines à Châtel, t'étais fière de mon flocon alors qu'ils avaient tous eu l'étoile et moi non. Tu travaillais pas, alors tu accompagnais toutes les sorties, j'étais si fière de ma mère, toujours la plus jeune de la classe avec nos 21 ans d'écart, la plus belle, évidemment, la plus blonde, je ne comptais plus les fois où les copines ouvraient des gros yeux "c'est ta mère?!". Tu dis que t'as les yeux bleus, et moi je suis la seule qui les voit verts. Après la piscine, cette maman qui m'attend avec une viennoiserie et une citronnade à la main "parce qu’après la piscine on a faim".
J'ai decidé de me souvenir. Tout ça, tout ce qui était bien. Ta capacité à remonter le moral de n'importe qui, avec les bons mots, et la juste dose d'enthousiasme et de détermination. Ça me manque parfois.
J'aimais que tu portes Calèche, que tu me racontes notre programme de la semaine avant de me dire bonne nuit, j'aimais que tes menaces de ne pas regarder "Notre Belle Famille" ce soir après un caprice soient rarement mises à exécution, j'aimais tes "yeux magiques" à la pupille dilatée quand il faisait sombre dans ma chambre, et quand tu m'appelais Miss Monde parce que j'aimais regarder les concours de beauté.
Tu sais maman, j'ai toujours un pincement quand je pense à ce qu'on rate. J’ai toujours bavé devant les mamans gaga de 4 mariages pour une lune de miel et j'ai le coeur serré quand arrive Noël. Serais-tu encore écœurée que je m’asperge de vanille ou de coco, ces parfums que tu détestais ? Aimerais-tu encore me conseiller sur mes bijoux, toi la reine des pierres ? Mes mots ont été durs ici plus d'une fois, et malheureusement je les pensais, je ne mens jamais. Mais je sais qu'il y a du bon aussi.
J’ai compris que ma vérité n’était peut être pas la tienne.
J’aimerais que tu saches que tu m’as fait du mal mais que je n’ai jamais voulu ce qui nous est arrivé. Mon coeur n’a jamais été totalement en paix depuis que notre guerre a éclaté et à l’aube de mes 30 ans je voulais le mettre sur le papier.
Tu m’as aimée. Moi aussi, j’espère que tu le sais? La vie ne nous a pas épargnées mais il y a encore dans un recoin de mon coeur de petite fille un sillage de Shalimar et le souvenir des noisettes qu’on grignotait dans ta cuisine.
Tu sais maman, ça fait un mois que je ne me ronge plus les ongles. Non, tout n'est pas noir. J’étais en colère et j’ai oublié. Oublié nos fous rires, comme on se ressemblait parfois, comme tu arrivais à dissiper mes 1000 hésitations, vierge vs bélier, je pense trop, tu fonces pour moi tête baissée.
Il y a 5 mois tu m’as déclarée la guerre et il y a 10 jours j’ai compris qu’on méritait toutes les deux la paix. Peut-être que nos chemins ne se touchent plus, mais peut-être qu’on peut continuer de s’aimer d’un peu plus loin?
Je ne sais pas ce que c’est de vivre avec des grands enfants adultes qui mettent du noir sous leurs yeux et veulent sortir le samedi soir. J’ai vieilli, je ne sais pas où j’ai merdé pour que tu disparaisses totalement de ma vie mais j’ai accepté l’idée que cela puisse venir de moi, aussi. Ah, comme nous sommes compliquées... c'est de famille paraît-il, qu’est-ce qu’on va faire de nous maman ? Es-tu heureuse en ce moment ?
Tu sais maman, j’ai eu une petite fille. Elle est très belle, elle a tes yeux clairs et elle adore son grand frère. Aaron a les yeux kaki, comme moi et Pucci. Ils sont merveilleux, tu les aimerais aussi. On ne peut pas défaire le passé mais je peux faire leur avenir. Je me dis souvent que j’ignore les secrets qui ont fait de toi cette femme, cette mère et cette épouse. Il y a tant de choses que je ne sais pas. Mais quand j’ai eu ma fille et qu’elle a tout de suite été si proche de moi, je me suis promis que je prendrais soin d'elle comme on aurait du prendre soin de toi.
Il y a 5 mois tu m’as déclarée la guerre et il y a 10 jours j’ai compris qu’on méritait toutes les deux la paix.
J'ai enfin compris que tu m’as aimée.
C'est peut-être tout ce qu'il me manquait ?
Bonne fête, maman.
© Ourson Chéri |
Commentaires
Joyeuse fête des mamans
Bisous 💕