Carnet rose et nuits blanches
Je me vois encore foncer dans un magasin bio pour acheter de l’extrait pur d’Aloe Vera. On était en janvier 2014, je n’étais pas enceinte mais j’espérais l’être bientôt. Je voulais préparer ma peau. Je suis du genre impatient. J’avais le prénom avant de faire un test et je voulais un bébé du printemps. Je disais que je serais une maman ferme, que mes enfants ne crieraient pas. J’étais persuadée que je mangerais sainement pendant mes grossesses, je parlais de vitamines, de nutriments. Et puis je suis tombée enceinte, en hiver. Et puis je me suis enfilé un MacDo par semaine. Aaron est arrivé et il a tout bousculé.
J’avais une crainte, énorme, ridicule, exagérée et égoïste. J’avais peur d’avoir des vergetures sur le ventre. Moi l'accro des deux pièces que je collectionnais par dizaines, j'angoissais à l'idée de dire adieu à mon joli ventre lisse. J’ai passé des heures sur internet à lire des comptes rendus dermato et des forums pour trouver des produits miracles, des astuces secrètes et des potions magiques. J’ai passé ma grossesse à me tartiner de crèmes et d’huiles, compter les semaines, savoir que plus le terme s’approchait et plus les chances d’en avoir grandissaient, me regarder, les attendre avec nervosité. Quand Neva est née, j’étais encore en salle de travail quand j’ai pris quelques instants pour inspecter mon ventre soudain aplati et regarder de quoi il avait l’air. C’était superficiel et complètement con, mais je l’ai fait. Il y a plein de choses que j’ai faites dont je ne suis pas fière, qui ne sont pas forcément en accord avec mon nouveau rôle de mère, et que je n’ai jamais dit, pas peur d'avoir l'air irresponsable ou moins respectable. Laisser pleurer par fatigue, faire semblant de ne rien entendre la nuit, donner le biberon d’une main en commandant des fringues de l’autre à 5 heures du matin.
Y a-t-il des bons et des mauvais choix ?
On nous dit souvent que le bon choix, c’est celui avec lequel on est à l’aise. On nous dit de faire comme on le sent. On nous dit qu’un biberon bien donné est meilleur qu’un allaitement forcé. Et ça vaut pour tous les sujets. Le portage, le cododo, les vaccins, l’éducation, les jouets en bois, les petits pots, les laits végétaux. Y a-t-il des limites à ces grandes principes positifs, à cette maternité soit disant décomplexée et bienveillante ? J’ai lu un article sur l’accouchement et les débuts d’une jeune maman qui s’appelle Caroline Receveur et qui fait beaucoup de vagues. Au début, comme beaucoup, j'ai pas compris. Le coup de la péri qui se transforme en rachi, la césarienne choisie, la nounou de nuit. Comme les trois-quart des gens, mon réflexe premier a été de me comparer, et je me suis dis qu’elle passait à côté de sa maternité. Ben oui vous comprenez, moi, au début j’ai beaucoup galéré. Moi j’ai accouché par voie basse deux fois, moi j’ai subi les nuits blanches, moi j’ai à tout jamais la cicatrice de l’épisio et le spectre des forceps qui me hante. J’ai cru qu’ils avaient fait de moi une maman. J’ai cru que j’avais du mérite parce que j’ai eu les ventouses et que mon bébé pesait plus de 4kg. La maternité se mesure-t-elle à la hauteur des galères que l’on vit ou de l’amour que l’on porte ?
Je n’ai pas allaité. Ils ont dormi dans leur chambre avant leurs 6 mois. Je n’ai pas toujours tout fait, loin de là, on partageait toutes les tâches avec le papa. Je déteste les cris. Les pleurs me crispent. J’angoisse, je stresse, je perds patience, je suis désemparée. On est partis en week-end quand Aaron avait deux mois. On le confiait sans complexe, parfois même c'était un véritable soulagement, tant les débuts étaient éprouvants. Quand notre deuxième enfant est né, c'est mon homme qui s’est le plus levé la nuit. Lui, il sait bercer patiemment en regardant le noir, il sait rester zen. Je ne crois pas avoir été une moins bonne mère, ni que ma fille m’aime moins à cause de ça.
Avouer ses faiblesses, une forme de force ?
Et si cette maman avait simplement eu peur ? Et si cette maman ne s'était pas sentie à la hauteur ? Et si elle préférait faire à sa manière, avec ses limites, dans sa zone de confort ? Quand on a la possibilité de s’épargner certaines difficultés et que l'on fait ce choix, est-ce un manque de courage ou un signe d'humilité ?
J'ai compris que je ne sais pas bercer en chantant des comptines pendant des heures. J’ai eu peur d’être nulle, que mes enfants ne m’aiment pas. J’ai eu peur de mal faire, d’être une mauvaise mère. Quand mon premier est arrivé, je ne savais pas par où commencer, ni comment l’apprivoiser. Il y a des choses sur lesquelles j’ai préféré être secondée et d’autre pour lesquelles j’étais assez à l’aise pour être aux commandes. On ne naît pas mère, on le devient. Je suis devenue maman après un bon bout de temps. Un jour j’ai vu que j’avais une vergeture là où trônait le glorieux piercing de mes 17 ans et, bien sûr, que je ne regrette rien. J'avais des idées, j'avais des craintes, l'eau coule sous les ponts, je m'en fous maintenant, je suis maman. Un jour, j’ai appris à mettre la bonne dose de polysilane sur la tétine, à connaître l'endroit exact qui le chatouillait le plus sur son petit corps, et à traduire au reste du monde que lorsqu’il disait "carotte" ça voulait dire "orange". Certaines mamans ont un déclic d’une seconde et d’autre ont besoin de temps. Si la vie nous permet des facilités matérielles ou financières, un jour ou l’autre, on est tous confrontés à ce qu’on ne peut pas anticiper ni contrôler. Les fièvres, les cauchemars, les bobos et les pleurs du soir. On apprend, sans cesse, on apprend, tout le temps. C'est important de rester solidaires.
Je parle de ma vie de maman sur Instagram et sur mon blog depuis 3 ans. S’il y a bien un domaine qui divise plus que la politique et le conflit israélo-palestinien, c’est la parentalité. S’aventurer sur le sujet de la maternité et de l'accouchement en allant dans le sens inverse des grands principes préconisés par l'imaginaire collectif, c'est pas juste casse-gueule, ça relève du masochisme ou de l'héroïsme. Pas héroïque pour les choix en eux-mêmes, mais pour le fait d'oser aller à contre-courant, et l'assumer. Oui c'est dur de dire adieu à son corps d'avant, oui ça fait chier d'avoir des vergetures, oui on voudrait bien une nuit de sommeil réparateur, oui, on peut avoir envie d'un enfant et avoir peur quand même de mettre le pied sur la planète parents.
Il est difficile d'être différent, de bousculer les codes, encore plus de parler de l’envers du décor. Personne ne savait, quand je fumais comme un pompier entre deux micro-siestes, pendue à ma fenêtre. Personne ne devait deviner que je pleurais d’épuisement sous ma douche. Personne ne sait le milliard de questions que je me pose encore quotidiennement.
C'est en me comparant que j'ai compris que l'on avait tort de se comparer. Il n'y a pas de classement, pas de points perdus ni gagnés. Chacun à sa propre recette. Laissons les gens trouver la leur avec leur bébé. Ils ont toute la vie pour se connaître.
Elle ne s’est pas levée la nuit ? Il en fallait du courage pour l’avouer au grand jour.
L’important c’est pas ça. Quand il sera grand, son fils lui dira.
Après tout, le plus important, c'était son amour.
Commentaires
Nous sommes toutes différentes face au choix que nous avons à faire dans la vie, et malheureusement nous vivons dans une société où tout doit être contrôler mais aussi juger. C'est un peu ce que je reproche aux réseaux sociaux, même si grâce à eux je découvre des personnes comme toi pleines de bienveillance et tellement vrai.
En tout cas elle a été bien courageuse pour faire cette article.
Et pourtant Je fais partie de celles qui se sont désabonnées de l’instagram de Caroline Receveur. Bien sûr en tant que mère on fait ce que l’on veut et surtout ce que l’on peut. Mais on ne pas prôner quelque chose comme la césarienne. Ça me choque profondément de lire que c’est pour éviter au bébé la violence d’un accouchement. Elle a fait un choix ok, mais qu’il soit alors complément assumé. La césarienne est d’une violence inouïe pour un bébé (surtout programmée puisque le travail ne s’est pas lancé) contrairement à un accouchement voir basse qui est fait pour finir le développement du fœtus. Je trouve cela incroyablement hypocrite d’avancer que c’est dans l’intérêt de l’enfant alors que c’est pour elle. Mais comme tu le dis dans ton article pourquoi pas après tout ? Ce n’est pas ça qui m’a fait me désabonner. Quand on écrit un article, du n’importe quel support, on s’expose à des remarques, des réflexions, des désaccords. Pourquoi s’offusquer lorsque les lecteurs ne sont pas du même avis ? On est censés lire et passer notre chemin ? S’il ny a pas d’échange ou est l’intérêt ? Faire du placement de produit et puis c’est tout ? A
Je berce jusqu'à l'épuisement, mais à 6h du mat "il apprend la patience". J'ai commencé le laser pour 3 petites vergetures même pas 2 mois après mon accouchement, et c'est le prix de 14 poussettes. MERCI à toi, MERCI à elle. On fait toutes de notre mieux.
Julie (djooouuu sur insta <3)
Concernant son accouchement cela ne me choque pas. Par contre concernant leurs présence auprès de leur fils cela m attriste pour leur enfant.
Qui n a pas rêver d avoir une nurse la nuit quand bébé est malade et que ses parents sont épuisés et aussi malades??? On l a tous rêver à un moment... mais l enfant, lui qui a passé 9 mois dans notre ventre a juste besoin de sentir la présence de ses parents, avoir en eux ses repères. Et des sa naissance son repère devient une nurse ... une personne étrangère...
Mon fils passé 10h par jour chez sa nounou, 5 jours par semaine. Il adore sa nounou mais le soir, le weekend, la nuit, les vacances nous sommes la pour lui. Lorsque nous le récupérons un magnifique sourir ilumine son visage et ses petits bras nous serrent très fort le coup. Il a besoin de nous, nous sommes ses repères.
Pour les bons côtés il y a papi, mamie, Tata, tonton. Un parent, lui, doit tout prendre et tout donner à son enfant. Vers qui se tournera leur enfant lorsqu il aura un chagrin et que sa nurse ne sera pas présente? Auront ils pu créé se lien avec lui ? Ne se sentira t il pas abandonné plus tard ? C est la que cela me gêne et m attriste pour cet enfant.
Merci pour ton article qui nous fait réfléchir mais pas regretté d avoir été présents à 2h, 3h, 4h... La nuit lorsque notre enfant est malade ou fait des cauchemars.
Concernant son accouchement cela ne me choque pas. Par contre concernant leurs présence auprès de leur fils cela m attriste pour leur enfant.
Qui n a pas rêver d avoir une nurse la nuit quand bébé est malade et que ses parents sont épuisés et aussi malades??? On l a tous rêver à un moment... mais l enfant, lui qui a passé 9 mois dans notre ventre a juste besoin de sentir la présence de ses parents, avoir en eux ses repères. Et des sa naissance son repère devient une nurse ... une personne étrangère...
Mon fils passé 10h par jour chez sa nounou, 5 jours par semaine. Il adore sa nounou mais le soir, le weekend, la nuit, les vacances nous sommes la pour lui. Lorsque nous le récupérons un magnifique sourir ilumine son visage et ses petits bras nous serrent très fort le coup. Il a besoin de nous, nous sommes ses repères.
Pour les bons côtés il y a papi, mamie, Tata, tonton. Un parent, lui, doit tout prendre et tout donner à son enfant. Vers qui se tournera leur enfant lorsqu il aura un chagrin et que sa nurse ne sera pas présente? Auront ils pu créé se lien avec lui ? Ne se sentira t il pas abandonné plus tard ? C est la que cela me gêne et m attriste pour cet enfant.
Merci pour ton article qui nous fait réfléchir mais pas regretté d avoir été présents à 2h, 3h, 4h... La nuit lorsque notre enfant est malade ou fait des cauchemars.
Merci pour tes articles si authentiques, c’est un réel plaisir de te lire ��
Bisous Delphine :)
Et ta dernière phrase me touché parcequelle est vraie: l’important c’est l’amour! Tant qu’il est là, la façon de le donner est elle importante?
Tellement bien écrit
Se badigeonner de crèmes, huiles et tout ce que l'on peut pourvu que ces vilaines vergetures n'apparaissent pas. Sans parler des 2 ou 3 litres d'eau à boire tous les. Jours pour sois disant bien hydrater de l'intérieur... Puis, à 8 mois, bébé de 3 kg et bim ça craquouille un peu... Larmes, colère etc. J'en avais peur d'en vouloir à ma fille (mère indigne) et une fois qu'on les serre dans nos bras, on oublie tout...
Pour ce qui est des choix de cette femme, ce que j'ai trouvé triste c'est celui de la nounou de nuit.. Pour moi le lien se construit aussi dans la difficulté. Bien des fois j'ai eu envi de pleurer avec mes bébés la nuits tellement j'étais épuisée et impuissante face à leur douleurs intestinales dues à leur colopathies, mais je finissais par leur dire "Je suis là, je sais que tu souffre et je me sens nulle de ne pas savoir te soulager mais je suis là avec toi" je n'imaginais pas qu'ils vivent leur souffrance sans moi à leur côté, quelle soit physique ou émotionnelle. Les imaginer pleurer sans mes câlins me faisaient trop mal. Du coup ils sont de vraies pot de colle à maman aujourd'hui :) mais après tout peut être que ce serait quand même le cas si j'avais passé le relais de temps en temps.
Merci en tout cas pour ces articles tellement émouvants.. Du pur bonheur