Comme je respire

Depuis 5 ans et 4 mois, je suis une maman. Être maman, ça veut dire plein de choses. Mais globalement, je dirais que ça parle de se réveiller le matin en pensant à eux en premier. Quelle heure est-il ? Dorment-il encore ? Ont-ils faim ? Vont-ils bien ? Ils sont pénibles parfois, hein. Epuisants. J'ai souvent eu envie de m'échapper un peu et avoir le temps de me faire un shampooing et un masque sans qu'on gratte à la porte, j'ai souvent regretté l'époque où l'on sortait à notre guise et qu'on ne se souciait que de nous-mêmes. Ah ça, quand il a fallu se mettre au babycook et qu'on m'a balancé à la figure ma première purée courgette pomme de terre, tout bien épluché et coupé de mes petites mains, je me suis dis qu'il était loin le bon vieux temps où je dinais un paquet de chips et des tranches de sauciflard. Ce bon vieux temps où je pouvais bronzer 3 heures avec des écouteurs vissés aux oreilles à la plage, sans gonfler des brassards qui crissent et qui font mal. 
Depuis 5 ans et 4 mois, je suis une maman. Je vois déjà la brigade des femmes indépendantes me sortir la super expression choc, "maman mais pas que". Je sais, je sais, les filles... Mais moi j'ai pas forcément envie de sécher le bain-diner-histoire. Et puis je m'habille et me maquille toujours, merci bien. Etre maman fait partie de mon être, penser à eux est une seconde nature. Je suis maman comme je respire. Je ne m'en rends même pas compte, mais ça m'est vital. 

Nager à contre-courant. S'affamer. Dormir le jour. Taire son coeur. Sortir de chez soi en pyjama. Il y a plein de petites choses pas tout à fait naturelles que l'on fait avec une drôle d'impression, tu sais, un mélange de vide et de confusion. Et d'un coup ce vertige, "Mais qu'est ce que je fous ? N'importe quoi...". 

Je vis avec cette étrange sensation de malaise une semaine sur deux. Je regarde autour de moi et je n'ai pas de bain à donner, pas de dîner équilibré à préparer, aucune construction en lego à admirer, aucune histoire à raconter. Mon coeur fait un rebond, et la réalité me frappe à chaque fois comme si c'était un mauvais rêve. Je suis en garde alternée. Une semaine sur deux, la moitié des vacances scolaires. La moitié d'une vie coupée d'eux. Coupée en deux. Il y a quelque chose qui n'est pas normal dans cette situation. Il y a une créature primitive en moi qui gueule, qui se débat, qui s'époumone, qui les voit encore tout minus à la maternité, c'est pas normal merde, ils sont où, rendez-les moi. Je ne suis pas à ma place, pas sans eux. 

Ce n'est pas à ça qu'on rêve quand on fait des bébés. On se projette quand ils seront plus grands, quand ils seront ado, on se voit tous ensemble, bien sûr. Il y a des endroits qui me sont désormais interdits. Le quartier où l'on vivait, quand Aaron est né. Je peux pas. Comme les abords de la maternité où j'ai accouché. Gorge serrée. Je ne sais pas encore comment on fêtera les anniversaires et Noël, et je ne sais pas comment je réagirai quand je raterai une dent qui tombe. Ils passeront la moitié de leur enfance sans moi et je sais pas si je pourrais m'y faire. C'est toujours aussi fort. Larmes salées, orange amère. Est-ce qu'un jour le manque se fera plus sourd ? Est-ce qu'on s'habitue, un peu, dis ? 

Le coeur est buté mais la raison l'emporte. C'est elle qui me console le mieux, pour m'aider elle me souffle que c'est la solution la plus juste. Qu'ils ont besoin de nous deux, tout autant, qu'il est celui qui les berçait des heures dans le noir, celui qui a changé la moitié des couches et rempli la moitié des biberons, celui qui joue avec lui par terre même quand il a mal au dos, celui qui reste avec elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme quand elle le réclame. J'ai souvent dit "Votre père est une maman comme les autres" parce qu'il appartient à cette génération épatante, qui a osé bousculer les précédentes, en s'impliquant plus que jamais. La nuit, le jour, pour le meilleur et pour le pire. Alors je me tais. Tant qu'on y est, je me fais un shampooing et un masque. Je regrette presque que personne ne gratte à la porte. Et puis je m'endors en me repassant toutes vos vidéos de la semaine. Inlassablement. En partant, Aaron me dit toujours "Tu vas me manquer". Avec un sourire, mais quand même. Larmes salées, orange amère. Quand je reviens, la première chose que je fais est, à chaque fois, la même. Je vous sens. Je sens vos cheveux, vos joues, votre petit cou. Je sens vos vêtements, vos oreillers et vos doudous. Je respire un bon coup et je me fais la promesse que je m'adapterai, comme vous avez si bien su le faire. 
Après tout, même en alternance, je reste une maman. 
Et je suis maman comme je respire. 365 jours par an. 







Commentaires

Littleco a dit…
Oh mon dieu j'ai bien presque versé ma larmichette... Tu es une si belle plume.
Courage à toi ça va aller.
Jolie maman ❤️
Amely2a a dit…
Depuis peu je me suis lancée dans l'écriture sur blog spot aussi et c est vous qui m'avait donné la force de le faire. Comme j'aime vous lire moi qui est toujours écrit dans l'ombre, je le fais et cet article sur la garde alternée raisonne en moi.... ce sentiment ambivalent de liberté inconnue et de tristesse , merci comme toujours d être si juste.
Anonyme a dit…
Si tu savais comme tes mots font échos en moi..,
Amely2a a dit…
J adore vous lire... je me suis mise à écrire un blog comme vous depuis peu et c est grâce à vous. J'ai osé moi qui l avait toujours fait dans l'ombre de mes livres. votre texte raisonne en moi , ce mélange de liberté inconnue et de tristesse de l'absence. Encore merci pour ces mots si juste ❤
Anonyme a dit…
Merci pour ce joli texte. Fille de parents séparés, c'est très touchant de lire ce texte du point de vue de la maman... chaque histoire est différente mais sachez que ce qui fait le plus chaud au cœur d'un enfant c'est de voir que ces parents gardent une sorte de respect mutuel... J'ai malheureusement vu mes parents se déchirer, se battre, pleurer, crier, hurler, rouges de colère. J'ai mis plusieurs années à m'en remettre et en ai gardé longtemps des séquelles,notamment dans mes relations amoureuses une fois entrée dans l'âge adulte... donc je pense que c est la dernière chose à faire. Chose que vous avez bien compris... Vous êtes épatants...

Je sais combien ma maman pleurait seule assise au coin de son lit lorsque l'on partait mon frère et moi, ca a dû être le pire pour moi. Je voyait dans son regard
cette déchirure... dans ce faux-sourire (celui qui dit "tout va bien ne t'inquiète pas") une envie d'hurler... je n'oublierai jamais... et j'ai eu moins mal quand elle a commencé à refaire sa vie. J'avais l'impression de ne plus l'abandonner chaque we. Elle n'était plus seule, elle avait quelqu'un aussi...

Enfin voilà, cela n'a rien à voir avec votre histoire mais je compatis et je vous souhaite un futur riche en nouveautés, en positivité et je vous assure que tout ira bien. 😊
Anonyme a dit…
Gorge serrée, larmes prêtes à couler quand je te lis... ❤️ Je t'embrasse Julie @completement.folle.de.toi
RA a dit…
C’est incroyable comme tu écris bien tu réussis à faire sortir les émotions. J’ai versé ma larme...moi même maman j’imagine la douleur😞
Courage à toi!
Sandrine a dit…
En te lisant, j'ai la gorge serrée et les larmes coulent sur mes joues. D'autant que je vais moi aussi traverser cette épreuve d'ici quelques mois, après 11 ans de vie commune et 2 bébés (1an et 2ans et demi). Que c'est difficile de te lire sur ce sujet, ta manière d'écrire est tellement belle, émouvante, frappante. Comme tu le dis si bien, est-ce qu'un jour le manque ce fera plus sourd ? Est-ce qu'on s'habitue.. Toutes ces questions.. Puis se projeter autrement de ce que l'on s'était imaginé, faire le deuil..

Merci à toi,de me transmettre à nouveau autant d'émotions.. Les dernières ont été lors de la lecture de ton livre, sublime.
Anonyme a dit…
C’est crevant de réalité...
Anonyme a dit…
tes écrits sont bouleversants. on sent une belle ale derrière tout ça.
Anonyme a dit…
On s’y habitue à cette sensation d’être amputée d’une partie de leur vie mais elle ne passe pas.
On s’y habitue à ce vide une semaine sur deux, à ce trou béant qui fait qu’on sait pas quoi faire de notre peau, mais il est toujours là.
Mais ils sont heureux, ils créent des souvenirs et des liens, je crois que c’est ça qui compte.
Anonyme a dit…
Sublime 🥰
LePremierAdam a dit…
Comme toujours tes mots me font couler des larmes.
Je ne suis pas dans cette situation, mais rien qu’en l’imaginant c’est inimaginable pour moi.

J’ai eu du mal à tomber enceinte. J’ai tout laissé pour rester avec mon bébé à la maison, m’en occuper, l’élever.
Quand est arrivé le premier jour d’école. Je n’ai rien montré devant lui. Mais mon monde s’est écroulé.
(Que toutes les mamans dans la cour avaient pitié de moi 🤣)
Évidemment on d’adapte, mais on n’oublie rien.

♥️
Toulousaine a dit…
Merci pour ce magnifique écrit qui résonne tellement en moi...une maman d'un prince de 8 ans et d'une princesse de 2 ans
Unknown a dit…
Le texte est émouvant. Moi aussi je vis la même chose avec mes 3 enfants. Quand on les a on est fatiguéss, lessivées. Mais au final quand ils ne sont pas là, on a un vide dans la maison, dans notre vie de maman. Bon courage en tout cas. Amicalement. Tantely
Anonyme a dit…
Je me permets d’écrire, parce que tes mots sont touchants.
J’ai vécu la situation inverse. Des parents qui n’ont jamais sauté le pas, mais qui ont passé leur vie à se disputer. J’ai espéré leur divorce dès l’âge de 3 ans... j’ai grandit en pensant que l’amour n’existait pas. J’étais une enfant bancale. Un cœur cabossé. Parce que mes parents n’étaient pas séparés, il n’y avait ces au revoir, mais il y avait le reste.

Vous avez pris une décision qui est la votre et vos enfants grandiront avec des parents bienveillants, malgré tout et c’est le plus beau cadeau que vous puissiez leur faire.
Anonyme a dit…
Tes textes nous rassurent, nous réconforte, nous sommes normales, avec nos forces, nos faiblesses. A toi aujourd'hui de ressentir cela, tu as toujours dis non aux clichés, aux idées reçues. Non t'es enfants ne seront pas malheureux, et oui, oui tu vas t'y faire et surtout oui tu sera heureuse de nouveau et un jour de nouveau amoureuse. Certes à cette heure ce n'est pas ta priorité, t'as priorité c'est eux. Et c'est aussi la raison pour laquelle rien n'est à regrette, il fait se poser et apprécié ta chance. Eux ça sera à vie qu'il le veille ou non ça sera à l'infini, aller retour. Tu saignera parfois, eux aussi, mais tu le fera toujours avec amour. Peu importe. Rien ne pourra vous séparer car c'est eux et avznt tout et pour toujours. Tu aimera et sera aimé à vie. Tu as signé pour l'amour éternel le jour où on te les a posé sur le torse. Tu sais, l'amour ça se voyais à été frot, vrai passionnelle, tu as aimé, c'est le plus important. Le fitir n'efface pas le passé, ces moments sont gravés en toi. Tu es passionnelle vraie, tu as aimé ainsi, et tu continuera car mieux vaut vivre chaque instant au moment présent que de regretter ou d'espérer, tu es une rêveuse certes mais tu prend ma vie comme elle vient, aime la vie, n'ai pas peur, tu es leur mère donc tu es la meilleure. Tu es belle, vrai, jeune. Tu as vécu le meilleure et tu continuera ailleurs, tu te reinventera, tu as eu ta vie ta jeunesse. Ta vie de jeune maman. Et demain le meilleure, car ils grands ils sont là tu as a la fois le plus beau cadeau et l'occasion de refaire, réanimer, te re-découvrir, changer tes regrets.
Tu es un exemple, pour beaucoup et j'ai hâte de tes découvrir t'es aventures, un nouvel horizons ça forcément s'ouvrir à toi, j'ai hâte de voir comment tu va transformer le monde à ta fzcon.
baby-planet a dit…
Merci pour ce témoignage touchant